mercredi 29 octobre 2014

Nouvelles couvertures de Chris Ware pour le New Yorker

J'ai déjà attiré votre attention sur les superbes couvertures que Chris Ware, l'auteur de Jimmy Corrigan et Building Stories, notamment, dessine parfois pour le New Yorker, célèbre magazine américain (ici et ).

Le site du New Yorker vient d'en mettre certaines en ligne, dont quelques-unes que je n'avais jamais vues. Comme d'habitude, je suis émerveillé par l'art de Chris Ware : ses illustrations sont extrêmement esthétiques et chacune d'elle raconte des histoires riches et profondes ; elles dépeignent certains traits de notre époque de façon si subtile que je ne me lasse pas de les admirer.

dimanche 26 octobre 2014

L'intégrale du Copyright, de Jean-Claude Forest (1952-1953), enfin disponible

Le Copyright de Jean-Claude Forest est paru dans Vaillant du n° 388 (19 0ctobre 1952) au n°410 (22 mars 1953). C'était 10 ans avant les débuts de Barbarella dans les pages de V Magazine ; Jean-Claude Forest était encore presque un débutant, ayant fourni ses premiers travaux professionnels quelques trois ans auparavant. Ces planches, à ma connaissance jamais rééditées, étaient bien entendu introuvable depuis des décennies. Nikita Mandryka, qui a toujours dit avoir été fortement influencé par cet animal fabuleux et absurde lorsqu'il créa son non moins fabuleux et absurde Concombre Masqué ("Cette lecture a déterminé mon destin de dessinateur de petits mickeys pour la vie", écrit-il lui-même avec son habituel sens de la mesure), vient de mettre en ligne sur son site Internet l'intégrale des planches du Copyright ! Un très grand merci à lui ! C'est disponible ici. J'en profite d'ailleurs pour signaler que ce site Internet est extrêmement riche, Mandryka y mettant en ligne de très nombreuses de ses planches (malheureusement peu et mal rééditées par ailleurs).

Le Copyright est un animal fabuleux, qui peut notamment tirer tout ce qu'il veut de la poche qu'il a sur le ventre ; son mot préféré est "Varlop". Les neuf premières pages (intitulées Le Copyright) narrent ses aventures en Capsulie. Il y échappe sans cesse aux personnes cherchant à le capturer pour toucher une récompense, "le Bigleux" en tête... Les 14 demi-planches suivantes (intitulées Les Aventures du Copirit) changent complètement de registre : le Copyight se retrouve chez les Clapotis, une famille moyenne habitant un pavillon de banlieue. Bien entendu, il y fait régner un désordre certain.

Il s'agit certes d'une œuvre de jeunesse et il faudra encore quelques années pour que Jean-Claude Forest laisse éclore tout son talent, dans le dessin comme dans les textes. Ces aventures délirantes n'en sont pas moins très savoureuses et nous font découvrir avec plaisir les (presque) premiers pas d'un futur auteur de tout premier plan.

mercredi 1 octobre 2014

Elle, de Francis Masse (2014)

Affirmer que j'ai été entièrement convaincu par le dernier livre de Francis Masse, Elle, ne serait pas tout à fait exact. Mais il est tout à fait possible que ce soit dû à moi plutôt qu'à lui.

Elle est un livre particulièrement étrange (mais n'est-ce pas la norme avec les ouvrages de Francis Masse ?). Un prologue non dessiné donne le contexte en deux pages : un individu est accusé du meurtre d'une femme, "Elle". Il a été arrêté et est maintenant en prison. Fou amoureux d' "Elle", il l'attend.

Lorsque l'on découvre les pages de bande dessinée qui suivent, on s'aperçoit que les choses sont encore moins simples qu'il ne semble. L'album se compose de courtes saynètes en une page. Elles mettent en scène un homme dans une prison représentée par un simple fauteuil. Il discute tout seul ou avec son gardien, qu'il appelle "chef" et dont on ne voit que les yeux à travers une ouverture dans le fauteuil... Le langage utilisé est réduit à sa plus simple expression. Le vocabulaire est limité à un nombre de mots limités (elle, café, cigarette, sucre, etc.) ; les pronoms personnels et adjectifs possessifs sont réduits à "elle", "me" et "te" (voire "nous" pour agréger "me" et "elle", dans les grands moments d'optimisme). La prison se transforme en océan, en voir ferrée ou en volcan. Nous sommes dans le domaine de l'absurde. Ce n'est pas inhabituel chez Masse. Mais là où il nous avait habitué à une grande luxuriance (décors surchargés, textes très longs et élaborés, jusqu'au cas limite atteint dans On m'appelle l'avalanche), il nous livre ici un récit au minimalisme radical : simplicité des situations, du trait, du décor, du texte, du vocabulaire... L'expérience stylistique la plus proche que je puisse rapprocher de ce minimalisme expressif serait à chercher du côté du Nouveau Roman et de certaines œuvres de Marguerite Duras (voire de Nathalie Sarraute), notamment lorsque ses personnages étaient réduits à "elle" et "lui" et son vocabulaire simplifié à l'extrême.

L'humour est moins marquant qu'il a pu l'être dans le passé chez Masse. Mais ce n'est pas ici le plus important. Tout en restant dans le domaine de l'absurde, Masse introduit une dimension sentimentale beaucoup plus marquée que dans ses œuvres antérieures. Surtout, après 40 ans de carrière, il se renouvelle encore une fois significativement au point de vue formel, et nous livre un album qui ne ressemble véritablement à rien d'autre.