mercredi 21 janvier 2015

Les Aventures, planches à la première personne, de Jimmy Beaulieu (2015)

Les Aventures, planches à la première personne compile l'ensemble des planches autobiographiques de Jimmy Beaulieu, dont plusieurs dizaines d'inédites (sauf celles dont il a honte, d'après l'auteur lui-même...).

Il s'agit en fait de l'édition française, publié par Les Impressions Nouvelles, de Non-Aventures, publié au Québec en 2013. La couverture et le titre ont néanmoins été modifiés.

Puisqu'il s'agit (quasiment) du même livre, je me permets de recopier ici tout le bien que j'avais écrit de Non-Aventures il y a quelques mois :

Les Aventures, planches à la première personne regroupe l'ensemble des bandes dessinées autobiographiques de Jimmy Beaulieu, auteur québecois. Ces œuvres ont déjà fait l'objet de trois recueils : Quelques Pelures, Le Moral des troupes et Le Roi Cafard. À ma connaissance, seuls les deux premiers ont été publiés en France. D'après ce que j'ai compris, les deux premiers recueils ont été modifiés pour cette reprise en intégrale. Je ne sais pas si une édition française de Non-Aventures est prévue. La plupart de ces récits ont été dessinés au tournant des années 2000) ; le dernier dresse un bilan, forcément provisoire, 10 ans après, en 2013. Les dates ne sont pas anodines : la première période correspond à la fin d'un âge d'or de la bande dessinée autobiographique francophone ; Fabrice Neaud publie son Journal, David B L'Ascension du Haut Mal, etc. 10 ans après, les choses ont bien changé (comme je l'ai déjà écrit plusieurs fois dans ce blog, notamment ici ou ) : les pionniers publient moins (même si la publication de Carnation, de Xavier Mussat, en 2014, vient de contredire partiellement cette affirmation) ; en revanche, une génération d'auteurs dessinent dans leurs blogs ou carnets des récits censément autobiographiques où ils mettent en scène un moi archétypal, impliqués dans des saynètes où l'autodérision est le plus souvent le moteur principal.

Les récits de Jimmy Beaulieu ne relatent pas des drames personnels comme on peut en lire dans les volumes 1 et 3 du Journal de Fabrice Neaud ou dans L'Ascension du Haut Mal. Ils ne tombent pas non plus dans les travers des récits "sympas" où l'auteur fait sourire (ou pas) de travers générationnels. Jimmy Beaulieu parvient à trouver le ton juste pour relater des événements simples , des états d'âme, des doutes : mal-être dû au célibat, interrogations avant un déménagement de Québec vers Montréal, joie de voir arriver le printemps, doutes sur l'intérêt de poursuivre son travail de dessinateur, retrouvailles familiales, temps qui passe dans son quartier, etc. À chaque fois, il parvient en quelques pages à planter une situation et à nous faire partager ses sentiments.

Jimmy Beaulieu est également un excellent dessinateur. Son style, très "croquis", est plein de vie. Qu'il décrive un paysage sous la neige ou une rue de Montréal, quelques traits lui permettent de planter très efficacement le décor.  Enfin (et surtout ?), son dessin est d'une grande sensualité. Il aime croquer de jolies, il le fait avec beaucoup de tendresse et un grand talent.

Je ne peux donc que vous conseiller chaudement de partager ces quelques tranches de vie avec Jimmy Beaulieu. On s'y sent bien comme auprès d'un bon feu lors d'un froid hiver québécois...

lundi 19 janvier 2015

Être musulman aux Etats-Unis à l'heure du Patriot Act, vu de Bollywood

Après l'émotion suscitée par l'attentat contre Charlie Hebdo et la formidable mobilisation nationale qui a suivi, vient l'heure des débats, souvent éminemment complexes.

Parmi les principaux d'entre eux, on peut évoquer l'épineuse question de l'équilibre à trouver entre sécurité, fermeté, justice, respect des libertés individuelles et de la présomption d'innocence et refus des amalgames.

A l'heure où des voix réclament la mise en place d'un Patriot Act à la française, je ne peux m'empêcher de penser à deux beaux films qui traitent de la vie des musulmans aux Etats-Unis après le 11 septembre. Tous deux viennent de Bollywood et mettent en scène des musulmans d'origine du sous-continent indien. Je ne sais pas si des films équivalents ont été tournés à Hollywood (je dois avouer que je n'ai pas particulièrement cherché). Ces deux films sont en tout cas beaucoup plus subtils ce que pourrait laisser penser la caricature véhiculée par les médias occidentaux sur les films grand public indiens. Ils abordent en tout cas un sujet d'actualité capital : comment peut-on être muslman aux Etats-Unis après le 11 septembre ?

J'ai déjà parlé du premier sur ce blog. My name is Khan (en Inde, Khan est un nom typiquement musulman), film de 2010 rassemble une nouvelle fois le couple le plus célèbre de Bollywood, Shah Rukh Khan et Kajol, et relate les drames auxquels est confrontée une famille musulmane d'origine indienne aux Etats-Unis, face au rejet du reste de la population qui la considère comme de potentiels terroristes. Le film est parfois à la limite du pathos, mais il est souvent capable de susciter une émotion et une empathie pour ces personnages qui rencontrent des difficultés que nous avons souvent du mal à imaginer.

L'autre film se situe à un niveau moins intimiste, plus politique. Dans New York, un jeune Indien est contraint par le FBI à devenir un indicateur pour savoir si un de ses anciens amis de faculté est devenu un terroriste (ce qui est considéré comme certain par le FBI). La femme de cet ami fait partie d'une association d'aide aux personnes ayant fait l'objet d'une détention abusive dans le cadre du Patriot Act, notamment pour obtenir justice et se réinsérer dans le société après les traumatismes psychologiques qu'ils ont subis. Non-respect de la présomption d'innocence, arrestation non justifiée, détention arbitraire, chantage... La face sombre du Patriot Act est bien montré. Le film ne tombe néanmoins pas dans le manichéisme : le personnage principal a une volonté farouche de s'intégrer à la vie américaine malgré tout ; et l'agent du FBI auquel il est confronté n'est pas un Américain obtus, mais est également d'origine indienne, tiraillé entre le devoir de protéger son pays d'accueil et la compassion à l'égard des autres membres de la diaspora indienne.

Deux films qui peuvent nous aider à mieux prendre conscience de certains aspects du Patriot Act.