Il faut que je me rende à l'évidence : j'aime beaucoup la reprise de Spirou Par Vehlmann et Yoann. J'avais déjà écrit du bien du précédent opus de la série, La Face Cachée du Z. Le 53e volume de la série, Dans les griffes de la Vipère, me convainc tout autant.
Je pourrais répéter bien des choses que j'avais écrites à propos de la La Face Cachée du Z. Le dessin de Yoann est toujours aussi dynamique (j'avais dû évoquer un croisement entre Franquin et Blutch...). Les histoires de Vehlmann sont toujours aussi drôles et enlevées.
Cet attachement de ma part à Spirou n'est pas dû principalement à un effet madeleine pour une série qui a bercé mon enfance. En effet, je suis la plupart du temps imperméable à ces revivals de séries à succès ; la sortie d'un nouveau Blake et Mortimer, Lucky Luke ou Tanguy et Laverdure m'indiffère complètement. La comparaison avec les nouvelles aventures de Blake et Mortimer est d'ailleurs frappante. Alors que les deux gentlemen britanniques sont momifiés (leurs nouvelles aventures se déroulent dans les années 1950 et 1960), en totale contradiction avec l'esprit du créateur de la série (E.P. Jacobs plaçait toujours ses personnages dans des aventures à la pointe de l'actualité), les aventures de Spirou et Fantasio bénéficient d'un renouvellement constant, tout en gardant une très grande fidélité à l'historique de cette série déjà âgée de 75 ans (1938-2013).
Vehlmann parvient à trouver un très bon équilibre dans cet album entre humour et aventure (la marque des meilleurs albums de la série, de QRN sur Bretzelburg à Spirou à New York), entre figures historiques de la série et renouvellement des personnages et des intrigues. Côté figures historiques, nous avons Champignac, le comte et le maire ; Seccotine ; les deux Turbotractions ; Don Vito Corleone très brièvement ; et surtout, le grand retour de la rédaction du Journal de Spirou (tout tourne d'ailleurs autour de la vente du journal, concrétisée par un contrat signé par nos deux héros)... Pour le renouvellement, nous avons une plongée dans la vie réelle des lecteurs avec Ninon, jeune lectrice, candidate stagiaire particulièrement dégourdie, un grand concours lancé par le journal et remporté par une grand-mère qui envoie la première le SMS qu'il faut et des adversaires modernes : les armes du "méchant" sont l'argent, des avocats, des contrats et des procès...
Enfin, Vehlmann trouve un très bon équilibre entre 1er et 2e degrés : les aventures, courses poursuites et rebondissements sont dignes des grandes heures de la série, Spirou est un jeune héros sans peur et sans reproche, toujours prêt à secourir la veuve et l'orphelin et à protéger ses amis. En même temps, il y a un jeu constant sur le double statut de Spirou, à la fois héros vivant des aventures "réelles" et héros et symbole (d'où le retour régulier du costume de groom) d'un magazine et d'une vieille série ; à ce titre, il intéresse le richissime homme d'affaire entraperçu à la fin de l'opus 52, qui collectionne les héros célèbres, de "Batguy" à "Indie Jones", en passant par un aviateur et un détective. Je ne vois guère qu'Alan Moore, dans ses séries Tom Strong et Supreme pour réussir un mélange aussi réussi de pastiche et de parodie.
Si vous souhaitez découvrir d'autres aventures récentes de Spirou, Fantasio et Spip, je vous conseille vivement d'aller jeter un coup d'oeil au blog de Lucas Méthé sur le site de son éditeur, Ego comme X. Il nous y livre des aventures légèrement iconoclastes de nos héros. Son modèle avoué, pour le dessin comme pour l'esprit, est Jijé : Fantasio retrouve sa personnalité de zazou fantasque, Spirou est un jeune homme confronté aux extravagances de son ami dans des aventures ancrées dans le quotidien. C'est disponible ici.
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