Du 29 mai au 4 novembre 2024, le Centre Pompidou, à Paris, plus grande institution française concacrée à l'art contemporain, mettait la bande dessinée à l'honneur, avec plusieurs expositions dans un cadre global intitulé à juste titre "La bande dessinée à tous les étages".
L'exposition principale, "Bande dessinée, 1964 - 2024", occupait tout le 6ème étage du musée et avait pour objectif de présenter un panorama des plus belles oeuvres de la bande dessinée internationale depuis 1964 (si on veut pinailler, on peut noter que la limite de 1964, commode pour établir une période claire couvrant six décennies jsuqu'à aujourd'hui n'était pas toujours respectée ; l'exposition s'ouvrait par exemple avec plusieurs couvertures de Fred pourHara Kiri légèrement antérieures). Plus sérieusement, la date de 1964 permettait de débuter l'exposition avec des revues d'avant-garde venant des trois continents : Hara Kiri en France (de très belles couvertures de Fred, quelques superbes dessins de Reiser et Gébé, entre autres), Garo au Japon (couvertures exceptionnelles en couleurs de Shirato Sanpei, auteur de Kamui Den et plusieurs comix underground autour de Robert Crumb ; dans la même salle, le travail de l'éditeur Losfeld (Barbarella de Jean-Claude Forest, Lone Sloane de Philippe Druillet, etc.) et du groupe Bazooka renforçait l'idée que ces années avaient permis l'émergence d'une bande dessinée plus mature aux quatre coins du monde. Le reste de l'exposition présentait une très riche sélection de planches et de douments inédits des quatre coins du monde (des grands classiques, Hergé, Franquin, Uderzo, Moebius, aux auteurs plus récents, Edmond Baudoin ou Fabrice Neaud, avec également des auteurs venant de plus loins tels qu'Osamu Tezuka, Alberto Breccia ou Will Eisner et bien d'autres encore, il faudrait tous les citer) accompagnés d'extraits vidéo de grande qualité. Et l'exposition s'achevait sur deux superbes fresques murales réalisées par Chris Ware spécifiquement pour l'occasion.
Au cinquième étage, les collections permanentes du musées (Matisse, Picasso et bien d'autres) étaient présentées à leur place habituelle, et des groupes d'oeuvres de bande dessinée y étaient mêlées, établissant ainsi des correspondances parfois bien vues (quelques belles planches de David B sur des auteurs surréalistes, par exemple, faisaient face à la reconstitution du bureau d'André Breton).
À la bibliothèque du musée était présentée une belle exposition sur Corto Maltese. Une exposition pour enfants et une autre sur la revue Lagon venaient compléter cet ensemble extrêmement riche.
Que retenir de tout ceci, à part bien sûr le fait que cette exposition apporte une reconnaissance institutionnelle de grande qualité à la bande dessinée ? Il faudrait tout citer. À titre personnel, j'ai été particulièrement sensible aux carnets de Fabrice Neaud et d'Edmond Baudoin (de magnifiques planches en couleurs issues de l' Arleri). J'ai profité de quelques planches en couleurs directes dont les subtilités disparaissent dans les albums imprimés (par exemple des dessins de Moebius et d'Alberto Breccia). J'ai longuement parcouru les deux fresques murales inédites de Chris Ware. Enfin j'ai contemplé les strips gigantesques de Jean-Claude Forest, tirés d'une version inédite du troisième album de Barbarella, Le Semble lune (il s'agit de la version pensée pour être publiée sous forme de strips quotidiens dans la presse ; elle fut modifiée, parfois lourdement, pour être publiée directement en album).