mardi 13 juillet 2010

Paludes, d'André Gide (1895)

André Gide a 26 ans lorsqu'il publie Paludes, un des OLNI (objets littéraires non identifiés) les plus particuliers que je connaisse.

Imaginez donc : Quel est le sujet de Paludes ? Il s'agit d'un auteur, le narrateur, qui écrit... Paludes, justement. Il tient également un agenda dans lequel il inscrit l'emploi du temps des jours à venir ; mais la plupart du temps c'est pour avoir le plaisir de ne pas se conformer à ce programme. Quand il n'écrit pas Paludes, il pense à Tityre, personnage principal de Paludes, dont la caractéristique principale est de se satisfaire de médiocres habitudes. Le 'point culminant' de cette 'sotie' (parmi ses récits, André Gide n'a consenti à appeler 'roman' que Les Faux Monnayeurs) est le voyage que prépare pendant des pages, puis entreprend le narrateur. Non pas un tour du monde ou un pèlerinage à Jérusalem ; non, simplement deux jours de voyage à quelques kilomètres de chez lui, avec Angèle. Et Angèle, que fait-elle ? elle invite chez elle des littérateurs et conseille au narrateur, chaque fois qu'il lui conte la moindre anecdote ou lui improvise le moindres ver, de mettre ceci dans Paludes...

On trouve déjà dans ce roman de jeunesse un grand nombre de ce qui fera le génie d'André Gide dans la plupart de ses œuvres suivantes : un style classique de toute beauté (qui mieux qu'André Gide pourrait incarner la quintessence du style classique français au XXème siècle ?) ; une forme nouvelle inventée spécifiquement pour chaque nouveau récit (André Gide, un des plus grands inventeurs de forme de la littérature française... j'y reviendrai) ; des conseils de vie, mais énoncés avec une certaine distance, déjà dépassés à peine écrits ("Et quand tu m'auras lu, jette ce livre", écrira-t-il dans son livre suivant, Les Nourritures Terrestres) ; enfin, beaucoup d'esprit et d'humour...

Avec Paludes, André Gide renoue avec la verve et l'inventivité de certains de ses grands aînés romanciers (je pense au Cervantès de Don Quichotte, au Sterne de Tristram Shandy ou au Diderot de Jacques le fataliste et son Maître, par exemple) et ouvre en beauté sa propre œuvre romanesque (même s'il a refusé le nom de roman à la quasi totalité de ses récits). Bref, un livre qui ne ressemble à rien d'autre, à lire et à relire...

1 commentaire:

  1. Votre bon billet me donne l'occasion de vous remercier pour le lien vers e-gide. J'y copiais il y a quelques jours les pages de Jorge Semprun qui expriment si bien la communauté d'esprit qui relie les amateurs de Paludes.
    A votre liste j'ajouterais Bartleby et à vos commentaires que c'est... mais je dois vous laisser car voici mon grand ami Hubert !

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