J'ai profité de la récente publication de l'intégrale du Transperceneige pour relire le premier tome, publié en 1984, scénarisé par Jacques Lob et dessinée par Jean-Marc Rochette, et pour découvrir L'Arpenteur (1999) et la Traversée (2000), toujours dessinés par Jean-Marc Rochette mais scénarisés par Benjamin Legrand.
On ne présente plus le premier tome. Publié en feuilleton dans les pages du mensuel À Suivre, au moment des grandes heures de celui-ci, il est considéré depuis longtemps, à juste titre, comme un classique de la bande dessinée francophone de science-fiction. L'histoire de ce "Transperceneige aux mille et un wagons", ce train qui roule en "parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé d'un bout à l'autre de la planète"et "qui jamais ne s'arrête", est effectivement d'une grande force. Suite à l'utilisation d'une arme nouvelle lors d'une guerre à la fin du XXe siècle, le climat de la Terre a radicalement changé : il règne à la surface de notre planète une température inférieure à moins 80 degrés, rendant toute vie impossible. Des personnes ont réussi à monter dans un train géant et, ainsi, à survivre à ce désastre. Elles sont maintenant prisonnières de ces wagons, la vie étant impossible à l'extérieur. Ce huis clos angoissant permet de mettre en scène des situations très riches, mêlant lutte des classes et dictature, pouvoir militaire et nouvelles religions.
Il s'agit d'un des premiers albums de Jean-Marc Rochette (qui remplaçait pour ce projet le dessinateur Alexis, trop tôt décédé), et le premier dans lequel il cherche à adopter un dessin résolument réaliste. Malgré quelques dessins encore très teintés de caricature, son dessin fait déjà preuve d'une grande maturité.
J'ai donc relu avec plaisir ce premier tome. Mais ce sont les deux suivants qui m'ont réellement impressionné et que je considère maintenant comme probablement supérieurs au premier. Le point le plus frappant au premier abord sont les progrès considérables de Jean-Marc Rochette. Son dessin a gagné en puissance d'évocation ce qu'il a perdu en netteté. Il est passé d'un très honnête dessin réaliste relativement classique à un style parfaitement original d'une grande beauté et d'une force magistrale. Le trait est charbonneux, le noir est profond, les nuances de gris apportent une profondeur et des nuances extrêmement riches.
Benjamin Legrand n'est pas en reste. Son scénario est fidèle à l'idée de Jacques Lob tout en l'enrichissant avec beaucoup d'imagination. Ce scénariste, bien qu'excellent, est malheureusmement trop rare en bande dessinée. Il a pourtant fourni un des meilleurs scénarios (avec celui d'Ici Même, de Jean-Claude Forest) de tous les albums de Tardi (Tueur de cafards) et a offert quelques autres excellentes histoires à Jean-Marc Rochette : Requiem Blanc et les deux tomes de L'Or et L'Esprit (malheureusement, cette excellent série n'a pas eu le succès qu'elle méritait : deux tomes ont été prépubliés dans À Suivre, un seul a fait l'objet d'un album et la série s'est arrêté en cours de route...).
Cette intégrale fournit une excellente de (re)découvrir l’œuvre de deux auteurs trop sous-estimés, Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand ; profitons-en.
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