Edmond Baudoin n'a plus rien à prouver. Il a montré qu'il est extrêmement doué à la fois en bande dessinée, en peinture et en illustration (que ce soit pour les romans de la collection Futuropolis-Gallimard, pour des recueils de poésie ou des livres pour enfants). Il maîtrise aussi bien le noir et blanc que la couleur. Il est publié par les plus grands éditeurs (Dupuis ou Gallimard) comme par les plus exigeants (L'Association, Les Requins Marteaux...).
Il peut donc faire ce qu'il veut et il le fait avec énormément de talent. Dans Les Enfants de Sitting Bull, il mélange, comme il le fait très souvent depuis quelques années, les styles (des couleurs directes à un dessin au trait en bichromie, en passant par la reprise de photographies), les modes de narration (des dessins légendés à une bande dessinée plus classique), les genres (de la biographie à la réflexion personnelle sur le sort des Indiens d'Amérique en passant par un pastiche).
Cet album est en fait composé de trois parties successives, presque indépendantes les unes des autres : le récit de la vie de son grand-père, un rappel de quelques rencontres avec des Indiens lors de son séjour de trois ans au Québec, un pastiche de bande dessinée western dans le style des petits formats bons formats mais avec un Indien comme héros à la place de l'éternel cow-boy. Ces trois récits entrent en résonance avec de nombreux albums précédents de Baudoin : l'histoire du grand-père, aventurier niçois ayant navigué dans le monde entier, cherché fortune en Amérique, côtoyé Buffalo Bill et Sitting Bull, construit des gratte-ciel, avait déjà fait l'objet d'un récit, moins détaillé dans un Patte de Mouche à l'Association, Made in USA. Les trois ans passés comme professeur au Québec avaient déjà fait l'objet de plusieurs albums, Le Chemin de Saint Jean, Les Essuie-glace, Le Chant des baleines. Le pastiche des petits formats nous ramène aux années d'enfance d'Edmond Baudoin, évoquées dans Piero...
Ces trois récits sont évoqués sous un angle un peu différents que dans les albums sus-cités. Ce qui les réunit aujourd'hui est le sort réservé aux Indiens d'Amérique, thème qui tient particulièrement à cœur de l'auteur. Il mène d'ailleurs actuellement une campagne sur Internet pour défendre la forêt des Indiens Ashaninkas du Pérou.
On retrouve là toute la force d'Edmond Baudoin : il met tout son talent au service de ses généreux engagements, sans pour autant tomber dans le prêche ou la naïveté excessive. Son dernier album est à la fois engagé et très réussi esthétiquement : de nombreuses pages sont magnifiques et les limites de la bande dessinée sont sans cesse explorées pour adapter au mieux le médium au récit.
Du même auteur, on peut signaler également la récente parution en un seul volume des trois albums en couleurs publiés chez Dupuis : Les Yeux dans le mur, Les Essuie-glaces, Le Chant des baleines. Le tout est maintenant réuni sous le titre Trois pas vers la couleur. Vient en outre de paraître à l'Association un récit de voyage dessiné avec Troubs, Le Goût de la terre.
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