Marcel Gotlib est mort aujourd'hui à 82 ans. Il a incontestablement laissé une marque extrêmement forte sur la bande dessinée francophone. En quelques années, assez resserrées (l'essentiel de son œuvre fut dessinée entre 1965 et 1989), il dessina des œuvres et participa à plusieurs aventures parmi les plus marquantes de la bande dessinée.
Il commença sans fracas, mais déjà avec talent, dans le journal Vaillant (ancêtre de Pif), entre 1962 et 1971, avec Nanar et Jujube, série rebaptisée Gai-Luron quand ce dernier, improbable héros, Droopy hexagonal, prit le premier rôle.
Il rencontra ensuite Goscinny, qui avait bien retenu les leçons d'humour des amis qu'il avait rencontrés aux etats-unis, notamment Harvey Kurtzman, fondateur du magazine Mad. Avec lui, Gotlib créa les Dingodossiers, bijou d'humour délirant, dans un style alors tres détonant par rapport aux séries humoristiques francophones (de 1965 à 1967). Dans une veine similaire, mais qu'il sut très vite adapter à son talent propre, il dessina pendant entre 1968 et 1973 la Rubrique-à-Brac, chef-d'œuvre d'humour "glacé et sophistiqué" (avec quelques superbes touches d'émotion comme lorsqu'il parle de la naissance de sa fille ou de sa jeunesse pendant la guerre). En parallèle, il était un des piliers de l'animation du journal, introduisant un ton décalé avec quelques autres (toujours sous la houlette de Goscinny) dans les marges de Pilote.
Il finit toutefois à se sentir un peu à l'étroit. Il voulait notamment s'affranchir du veto strict de Goscinny concernant tout ce qui touchait à la scatologie ou au sexe. Il créa alors avec deux autres rebelles extrêmement talentueux, Nikita Mandryka et Claire Bretecher, l'Écho des savanes. De 1972 à 1974, ils publièrent ensemble quelques numéros, qu'ils dessinaient quasiment intégralement seuls, à six mains. Las, ils n'étaient pas gestionnaires, L'Écho eut des soucis financiers et Mandryka continua l'aventure seul. Gotlib n'était pourtant pas dégoûté de la presse et créa en 1975 un autre magazine, mais avec un ami pour s'occuper de la partie administrative cette fois. Ce fut Fluide glacial, qui marqua la presse de bande dessinée pendant des années avec un humour bien particulier. Gotlib y accueillit des auteurs expérimentés qu'il appréciait (comme Franquin qui y dessina une bonne partie de ses Idées Noires, ou Forest). Fluide Glacial vit également éclore de nombreux auteurs très talentueux, très inspirés de Gotlib, mais avec de riches personnalités : Maester, Binet, Goossens, Larcenet, Blutch et bien d'autres. Très présent dans les premiers numéros de son magazine, Gotlib se fut, dès la fin des années 1970, de plus en plus discret, pour ne plus signer que les éditoriaux au bout de quelques années. Après une vingtaine d'années d'intense labeur créatif, il pouvait lever le pied : la relève était assurée...
(Avec tout ça, j'ai oublié de citer un de ses héros les plus emblématiques, le seul super héros 100 % Français, Superdupont, cocréé avec Lob.)
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