Le festival d'Angoulême vient de s'achever. Contrairement à l'année dernier, il n'y eut pas de couac majeur à signaler... Les expositions ont été généralement appréciées (avec une mention spéciale pour celle dédiée au managaka Kamimura, encore peu connu du grand public, mais dont les dessins très inspirés de l'art pictural traditionnel japonais sont sensuels et très esthétiques). Des manifestations ont permis de mieux mettre en avant les conditions socio-économiques des auteurs.
Le jury n'a pas choisi la facilité puisque le palmarès a récompensé des albums relativement exigeants, notamment Paysage après la bataille, d'Éric Lambé et Philippe de Pierpont (fauve d'or, prix du meilleur album).
Le Grand Prix de la ville d'Angoulême a été attribué au Suisse Cosey, devant Manu Larcenet et Chris Ware, les deux autres finalistes. Certes, j'aurais préféré que le prix récompense Chris Ware, auteur résolument exceptionnel, mais il est encore relativement jeune et a encore le temps pour être couronné. Et Cosey mérite à mes yeux pleinement son Grand Prix.
Un lecteur qui le découvrirait aujourd'hui pourrait ressentir une certaine déception, percevant mal son originalité. Avec quelques-uns de ses contemporains, Cosey a effet ouvert beaucoup de voies aujourd'hui largement fréquemment. Il faut se remettre en tête le contexte de réalisation de ses grands albums : les premiers Jonathan à partir de 1975), À la recherche de Peter Pan (1983), Le Voyage en Italie (1988), Saigon Hanoï (1992). Quand Jonathan fit sa première apparition dans les pages du journal Tintin, en 1975, et même si cela commençait à évoluer, la plupart des bandes dessinées, notamment dans les pages de l'hebdomadaire pour les jeunes de 7 à 77 ans, étaient soient des séries d'humour, soit des séries d'aventure au sens large (western, policier, action, etc.), riches en rebondissements et en coups de poing (ou de feu).
Cosey, avec d'autres, a montré qu'un récit pouvait être riche sans être trépidant, que les plus grandes aventures pouvaient être intérieures. Jonathan parcourait les montagnes himalayennes sans chercher de dangereux bandits ni même de yéti. Dans ses récits, Cosey prend son temps, laisse la place au blanc et au silence. L'implicite et les non-dits ont une importance rarement rencontrés auparavant. Cosey avait également la particularité de conseiller des musiques à écouter en lisant ses albums, ce qui ouvrait la bande dessinée à de nouveaux horizons. Par bien des aspects, Cosey a donc fait souffler un vent frais sur une bande dessinée franco-belge alors assez confinée dans un confortable entre-soi. À la même époque, d'autres auteurs innovants ouvraient d'autres voies, notamment dans les pages des revues nouvellement créées qu'étaient L'Écho des Savanes ou Métal Hurlant. C'était une époque bien riche pour la bande dessinée franco-belge et Cosey y a contribué.
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