Robert Crumb est habitué des bandes dessinées "familiales" : il publie depuis les années 1970 des comics à quatre mains, avec sa femme Aline Kominski-Crumb. Chacun d'entre eux y dessine son propre personnage, dans de courtes histoires relatant leur vie de couple avec beaucoup d'autodérision et sans concession. Ces récits ont fait l'objet d'une publication en intégrale (Parle-moi d'amour ! chez Denoël en 2011), présentant ainsi presque quatre décennies d'histoire familiale. Dans ces planches, une troisième autrice-personnage faisait progressivement son apparition : leur fille Sophie se dessinait parfois au milieu de ses parents. Elle est devenue artiste également. Au fil des années, Robert Crumb a progressivement dessiné moins de bande dessinée. Son adaptation littérale de la Genèse a été une sorte de chant de cygnes en 2009, les planches sont de plus en plus rares depuis cette époque. Il ne dessine presque plus que des pages avec Aline. La part familiale de son oeuvre prend peu à peu le dessus sur le reste...
Cette exposition (à la galerie David Zwirner à Paris, jusqu'au 22 mars 2022) est l'aboutissement logique de cette évolution. Il s'agit en effet d'une présentation commune des oeuvres de Robert, Aline et Sophie, les trois auteurs étant mis sur un pied d'égalité.
On y découvre de nombreuses oeuvres de Robert Crumb (ne nous leurrons pas : c'est probablement d'abord pour lui que les visiteurs viendront). Quelques-unes, plus ou moins anciennes, donnent un très rapide aperçu de sa carrière. Les plus intéressantes sont à mon sens les oeuvres très récentes (2020-2022), encore inédites. Ses portraits ou ses saynètes mettant en avant l'angoisse de personnages face au monde actuel montrent que le vieux maître n'a clairement rien perdu de son immense talent...
Il serait dommage de ne profiter que des planches du créateur de Mr Natural. Sa femme et sa fille ont chacune su développer un style très personnel, et les oeuvres présentées ici sont également très intéressantes. Celles d'Aline ne surprendront pas les fidèles lecteurs des comics de son mari, puisqu'elle y a souvent participé. Son style est moins virtuose que celui de son célèbre époux ; mais il a une spontanéité et une vivacité très agréables ; ses (auto)portraits, au tracé parfois approximatif, sont d'une très grande vérité.
La plus grande découverte, pour moi, est celle des oeuvres de la fille de la famille, que je ne connaissais pas. Loin de se laisser écraser par les styles marqués de ses deux parents, elle a su développer le sien propre avec originalité et talent. Elle adopte un rendu plus réaliste, ce qui donne lieu à de beaux portraits ainsi qu'à des scènes plus surréalistes.
Un récit inédit de quelques pages dessinées à six mains est également présenté.
Ce récit, intitulé "Sauve-qui-peut" (Aline et Robert sont installés depuis les années 1990 dans le Sud de la France, dans un village qui s'appelle Sauve...), est compilé, ainsi que les autres oeuvres inédites de l'exposition dans un comics publié spécialement.
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