Comme chaque année, le palmarès du festival d'Angoulême a fait couler beaucoup d'encre (virtuelle ou non) dans les milieux spécialisés (les médias traditionnels se contentant, comme chaque année, d'un service minimum en termes de couverture du festival). Mais, cette fois, plus que le palmarès en lui-même, ce fut le mode de désignation du Grand Prix qui fut abondamment critiqué. Comme je l'écrivais récemment, le mode de désignation a changé en 2013 : le Grand Prix de la ville d'Angoulême n'était plus élu uniquement par l'Académie des anciens Grands Prix mais désigné en trois étapes : sélection de 15 noms par l'équipe du Festival (en gros, les noms qui étaient les plus souvent nommés par l'Académie des Grands Prix les années précédentes, plus quelques femmes et étrangers pour satisfaire aux exigences modernes de diversité) ; élection de cinq finalistes par les auteurs présents au Festival ; sélection finale par l'Académie des Grands Prix. Malheureusement, ce nouveau mode d'élection fut mal et tardivement communiqué, insuffisamment compris par les électeurs potentiels...
Résultat des courses : le nombre d'auteurs participant à l'élection fut faible ; cela aboutit à une liste de cinq noms prestigieux (Chris Ware, Alan Moore, Willem, Akira Toriyama, auteur de Dr. Slump et de Dragon Ball, et Katsuhiro Otomo, auteur d' Akira) ; quatre de ces auteurs était à peu près inconnus de la majorité des anciens Grands Prix, qui élurent donc le seul qu'ils connaissaient bien, Willem. Voyant cela, un prix spécial du quarantenaire du festival fut créé in extremis pour être attribué à l'auteur qui état en tête du vote des auteurs : Akira Toriyama. Un beau micmac...
Ce micmac a-t-il néanmoins conduit à de bons choix ? J'ai un peu du mal à prendre clairement position. Il est bien entendu pour moi que Chris Ware méritait amplement d'avoir le Grand Prix ; c'est réellement un des plus grands auteurs contemporains. Alan Moore a révolutionné les comics mainstream dans les années 1980 et a une influence profonde et durable sur l'ensemble de la bande dessinée mondiale. Il eut donc fait un excellent Grand Prix également.
Je ne connais pas très bien l’œuvre de Willem : je lis régulièrement ses dessins dans la presse, je possède plusieurs de ses albums (dont le 30 x 40 de Futuropolis) ; il a été édité par certains des meilleurs éditeurs français (le premier Futuropolis, Cornélius). Mais je dois avouer que je ne suis pas très sensible à son talent. Peut-être est-il trop trash, trop abrupt, dans son propos comme dans son dessin, pour moi...
Quant à Akira Toriyama, je dois bien admettre que je n'ai rien lu de lui ; c'est d'ailleurs une des premières fois qu'un auteur dont je n'ai rien lu est élu Grand Prix d'Angoulême. Je vais donc probablement me plonger dans Dr. Slump et Dragon Ball pour me faire une idée...
Voici maintenant l'ensemble du palmarès (qui ne récompense qu'un nombre limité d'albums, ce qui est plutôt bien, les palmarès à rallonge étant peu lisibles) : - Grand Prix d’Angoulême : Willem ;- Fauve d’or du Meilleur album : Quai d’Orsay Chroniques diplomatiques. Tome 2 (Dargaud) de Christophe Blain et Abel Lanzac ;
- Prix spécial du 40e Festival pour l’ensemble de son œuvre : Akira Toriyama ;
- Prix spécial du jury : Le Nao de Brown (Akileos) de Glyn Dillon ;
- Prix de la Série : Aama. Tome 2. La multitude invisible (Gallimard) de Frederik Peeters ;
- Prix Révélation : Automne (Nobrow) de Jon McNaught ;
- Prix du Patrimoine : Krazy Kat. 1925-1929 (Les Rêveurs) de George Herriman ;
- Prix du Public Cultura : Tu mourras moins bête (Ankama) de Marion Montaigne ;
- Fauve du Polar SNCF : Castilla Drive (Actes Sud/L’An 2) d’Anthony Pastor ;
- Fauve Jeunesse : Les Légendaires Origines. Tome 1 (Delcourt) de Sobral et Nadou.
Je ne peux qu'approuver le choix de Quai d'Orsay, dont j'ai écrit beaucoup de bien. Les Rêveurs sont très justement récompensés pour avoir rendu accessible au public francophone ce fantastique chef-d’œuvre qu'est Krazy Kat. Le premier volume d'Aama m'avait plu mais j'ai été déçu par le deuxième : Peeters développe les idées exposées dans le premier mais sans apporter grand chose de nouveau.
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