Alain Resnais, un des plus grands réalisateurs français, est mort le 1er mars, à 91 ans.
Je vais commencer par un aspect un peu secondaire de la vie de ce cinéaste, sa passion pour la bande dessinée. Alain Resnais a en effet toujours été passionné par les classiques de la bande dessinée et des comics trios américains. Il fut un des premiers intellectuels à s'intéresser à cet auteur alors bien peu considéré ; il fut ainsi membre du CELEG, club de bande dessinée créé dès 1962. Il fit dessiner les affiches de ses films par Enki Bilal, Floch, Blutch. Il demanda au très grand auteur de bande dessinée américain (et compagnon de route de Will Eisner), Jules Feiffer, de lui scénariser un film (I want to go home).
Mais ce n'est pas le plus important. Personnellement deux éléments me marquent plus particulièrement dans son œuvre. Le premier est qu'il s'entoura de scénaristes à la personnalité artistique extrêmement forte sans que cela ne l'empêche de réaliser à chaque fois des films très personnels. Hiroshima mon amour est clairement une œuvre de Marguerite Duras, L'Année dernière à Marienbad est très caractéristique de l'imaginaire d'Alain Robbe-Grillet, La Guerre est finie reprend les thèmes fétiches de Jorge Semprun. Pourtant, avec chacun de ces films, et tous les autres, Alain Resnais créait une œuvre extrêmement personnelle. Une œuvre à la fois très spécifique, reflétant sa personnalité unique, et très variée, grace à la grande diversité des scénaristes avec lesquels il a travaillé.
Le second point qui m'a particulièrement marqué dans les films d'Alain Resnais est son inlassable recherche formelle. Comme si chaque film devait répondre à une nouvelle contrainte formelle et devenir ainsi un objet non identifié, jamais réellement vu auparavant. La singularité des scénarios d'Hiroshima mon amour et de L’Année dernière à Marienbad suffisait pour en faire des films formellement uniques. Puis les contraintes que s'imposait le réalisateur furent très diverses : insertion de commentaires scientifiques dans Mon oncle d’Amérique, irruption de phylactères dans I want to go home, théâtre filmé dans Melo (alors que la plupart des adaptations de pièces de théâtre au cinéma recherchent à s'éloigner formellement du théâtre, en ajoutant notamment des décors et des personnages plus varies qu'est ns la lice d'origine, Alain Resnais cherche au contraire à coller à un style de théâtre filme dans Melo : il ne garde que les décors et les personnages d'origine, renforce le caractère artificiel des décors, etc.), multiplication des univers possibles en fonction des choix, souvent d'apparence mineurs, des personnages dans le diptyque Smoking et No Smoking, adaptation de formes surannées comme une opérette des années 1920 dans Pas sur la bouche, etc.
Un grand cinéaste vient de s'éteindre. Tous ses films ne m'ont pas touché avec la même intensité mais dans chacun d'entre eux, j'ai trouvé suffisamment de la singularité de ce réalisateur et de diversité formelle pour vivre une expérience passionnante en les voyant...
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