dimanche 7 février 2010

Fabrice Neaud, édition augmentée du Journal (3) (2010)

J'ai pu acheter à Angoulême la nouvelle édition du troisième volume du Journal de Fabrice Neaud.

Ce livre était déjà un pavé (plus de 350 pages), il l'est maintenant encore plus (plus de 400 pages).

Au-delà de ces considérations numériques, qu'en dire ? En feuilletant rapidement l'ouvrage à la recherche des pages inédites, j'ai d'abord constaté que le dessin avait beaucoup progressé en 10 ans : il a gagné à la fois en fluidité et en sûreté de trait ; Fabrice Neaud maîtrise beaucoup mieux les hachures et le modelé des volumes (ce qui est particulièrement visible dans la scène dite "du Sergent").

Alors, cette édition augmentée s'imposait-elle ? (Certes cette question est un peu stérile, mais je n'ai rien trouvé de mieux comme transition...) Non, dans la mesure où l'édition originale du Journal (3) se suffisait amplement à elle-même (sauf éventuellement pour l'épisode de la vidéo, difficilement compréhensible dans l'édition de 1999, mais cela n'a pas dû gêner beaucoup de lecteurs). Oui dans la mesure où ces scènes ajoutées ou allongées ajoutent des éléments vraiment nouveaux et viennent enrichir le propos déjà riche et dense de l'édition originale : La scène du Sergent permet de mieux prendre conscience de la misère sexuelle du narrateur à cette époque : la scène de la vidéo permet d'éclaircir un passage auparavant trop elliptique ; la scène avec le professeur permet à l'auteur d'approfondir son propos ; la scène de la fête (shit et jumbé) apporte une nouvelle pièce au dossier.


Mais l'ajout de ces nouvelles scènes n'est, après tout, pas le plus important. Voulant découvrir ces pages inédites dans leur contexte, j'ai relu tout l'album (combien de fois l'avais-je déjà lu ? 4 fois ? 6 fois ? plus ? je ne sais même plus...). Bien que me retrouvant en territoire relativement connu, malgré les années qui ont passé depuis la première publication de ce livre, l'impression générale, l'admiration devant la force de l'ouvrage change peu, si ce n'est pour s'approfondir encore : au cours de ces centaines de pages, l'auteur aborde des thèmes quasiment inconnus en bande dessinée, les traite avec une recherche formelle sans cesse renouvelée mais jamais tape-à-l'œil et nous offre un récit et une réflexion sur le sort du narrateur en particulier et de notre société en général d'une densité, d'une profondeur inouïes.


Bref, il s'agit là, à mon avis, du plus grand chef d'œuvre de la bande dessinée francophone de ces 20 dernières années, avec Le Portrait de Baudoin... Profitez donc de cette nouvelle édition pour (re)découvrir ce livre exceptionnel.

5 commentaires:

  1. J'aime moi aussi beaucoup le journal de Fabrice Neaud, et je regrette qu'il en ait interrompu la parution (il me semble que le dernier volume remonte à presque dix ans). Sauriez-vous s'il a l'intention de reprendre cette publication ?

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  2. Il travaille depuis des années à plusieurs volumes du Journal en parallèle ; lors de son exposition à Angoulême cette année, il a présenté deux longs extraits inédits d'Esthétique des brutes, un des futurs volumes du Journal.
    On peut donc espérer que cette publication reprendra un jour... mais quand ?

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  3. Je viens de découvrir ce livre que j'ai trouvé tout simplement passionnant. Etant gay, je me suis pas mal reconnu dans ses pages même si à ce moment, je vivais sur Paris où c'était censé être plus "cool".

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  4. J'ai relu avec passion le journal 3 augmenté, cela donne l'envie de lire des versions augmentées des tomes 1 et 2.
    Le tome 4 est paru en 2002, depuis plus rien ou presque, en tout cas aucun travail d'ampleur. FN n'était il génial et prolifique que dans le désespoir? (un peu à la manière de Michel Houellebecq, dont la radicalité lumineuse d'extension du domaine de la lutte a sombré avec le succès...)

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  5. La situation de Fabrice Neaud est assez différente de celle de Michel Houellebecq. D'abord il n'a malheureusement jamais rencontré le succès de celui-ci...
    Fabrice Neaud est certes un auteur qui ne travaille pas toujours facilement ; mais il a probablement depuis 2002 des périodes aussi sombres que celles qu'il relate dans le tome 3.
    Il est possible que le succès critique du tome 3 le bloque un peu. Il a probablement peur de ne pas être à la hauteur. Certaines critiques du tome 4, défavorables et jugeant négativement ce volume par rapport au précédent, l'ont sans doute en partie bloqué.
    Mais il continue à travailler à de nombreux projets en parallèle et je ne désespère pas de voir certains d'entre eux sortir un jour...

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