Dans les Églogues, nous avons également des fragments de (chapitres, paragraphes ou phrases) qui s'enchaînent les uns aux autres, mais cet enchaînement n'est plus guidé par le fond (récit ou description) mais par la forme (sonorité, mots, enchaînement libre d'idées). Présenté comme cela, cela peut ressembler à un exercice de style un peu vain ; pourtant il se dégage de ces romans (plutôt à la 2ème, voire 3ème, lecture qu'à la première, il faut bien l'avouer) une poésie captivante.
Les différents volumes des Églogues sont constituées de citations, non identifiées comme telles, en diverses langues, soit d'auteurs variés (citons en vrac et au hasard George Sand, Alain Robbe-Grillet, Virginia Woolf, Marguerite Duras, Marcel Proust, Raymond Roussel, Roland Barthes, etc., voir notamment ici), soit « d'écrits antérieurs » de Renaud Camus lui-même. Ces citations s'enchaînent au gré d'associations verbales de toutes sortes (dont de nombreux exemples sont explicitées dans Le Journal de Travers).
Mais, me direz-vous, quel plaisir peut retirer d'un tel ouvrage, qui ne « raconte » rien, dont les paragraphes s'enchaînent sans souci de continuité narrative, constitué de fragments épars ?
Eh bien, tout d'abord, comme dans les autres ouvrages de Renaud Camus, le plaisir que procurent un superbe style (Renaud Camus écrit dans un superbe style classique et les citations externes sont très bien sélectionnées) et des idées intéressantes (l'auteur nous livre de ci de là, maintes réflexions passionnantes).
De façon plus anecdotique, on peut également apprécier un aspect ludique : il peut être amusant d'essayer de deviner de qui provient tel ou tel passage.Une autre source de plaisir est l'accoutumance qui se crée progressivement, tout au long de la lecture. L'auteur reprend maintes fois au fil des pages les mêmes phrases, ou des passages proches. Ces éléments de discours, qu'ils soient de sa plume ou extraits d'autres oeuvres, reviennent au long des pages des Églogues, associées à d'autres citations ; le contexte changeant, l'éclairage de ces passages change aussi. Peu à peu, nous nous familiarisons avec ces phrases que nous avons pu lire dans d'autres livres, qui vont et viennent ici et là dans les Églogues, qui sont parfois légèrement modifiés, qui finissent même souvent à se fondre les uns dans les autres.
Mon volume préféré des Églogues est le dernier paru, L'Amour l'automne, que j'ai dévoré en une traite dès sa parution (est-ce Renaud Camus qui s'améliore de volume en volume ? la lecture de chaque volume qui s'enrichit de celle des volume précédents ? je ne sais) . Depuis, j'attends avec impatience le suivant. Quelqu'un sait-il ici quand Renaud Camus compte le publier ?
Votre texte est très intéressant et rend bien compte, de façon synthétique, du projet des Eglogues. Pour répondre à votre dernière question, je ne pense pas que le prochain volume des Eglogues paraisse bientôt. Il y a eu vingt-cinq ans entre "Travers II" et "Travers III" : on peut simplement espérer que le délai ne soit pas aussi long pour les deux prochains volumes ! Il me semble toutefois que cet espace temporel se justifie dans la mesure où les volumes correspondent à des saisons, ("Eté", "Automne"), mais aussi à des âges (à des cycles) de la vie : donc, à venir, l'Hiver...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerune question qui n'a pas grand-chose à voir: d'où vient la photo qui illustre l'article ? Elle est assez incroyable je dois dire.
M.
Cette photo est une des illustrations d'un des volumes des Églogues (Passage ou Travers, je crois). Je l'ai reprise ici car je l'aime beaucoup, mais je ne suis guère capable d'en dire plus...
RépondreSupprimerÇa y est, j'ai trouvé l'origine et l'auteur de la magnifique photo "indienne".
RépondreSupprimerElle est l’œuvre de Laurent Freyss. Son site est disponible ici : http://www.freyss.fr.
Elle est reprise dans la version en ligne du premier volume de Passage.