mercredi 9 juin 2010

Love and Rockets X, de Gilbert Hernandez (1999)

Je viens de relire Love & Rockets X, de Gilbert Hernandez, aux éditions Fantagraphics (en français chez Rackham). Il s'agit à mon avis du meilleur récit de cet auteur, ce qui n'est pas peu dire... On retrouve en effet dans cet album un condensé de ce qui constitue le meilleur de son œuvre.

Il enrichit dans ces pages un monde déjà riche et cohérent, foisonnant de lieux et de personnages qui parcourent, parfois subrepticement (je pense notamment à Maria, la mère de Luba, croisée au détour d'une case), les histoires de ce fantastique conteur. Il nous offre un passionnant kaléidoscope de l'Amérique des années 1990 : de Los Angeles à Palomar (ville imaginaire d'Amérique latine), des beaux quartiers d'Hollywood aux ghettos noirs des faubourgs, des amateurs de punk aux rappeurs, des skin-heads aux idéalistes de gauche. Gilbert Hernandez mêle d'innombrables personnages, Blancs et Noirs, Asiatiques et Mexicains, Juifs et Arabes, en de complexes fils narratifs entrelacés entre eux.

Son dessin, parfois un peu maladroit, est particulièrement expressif. A l'instar de son frère Jaime, c'est un des rares auteurs qui parvient à réellement individualiser ses personnages de jeunes femmes. La plupart des dessinateurs, surtout masculins, se contentent de dessiner toujours le même archétype féminin, en variant toutefois les coiffures pour différencier les personnages. Gilbert Hernandez parvient à offrir à tous ses personnages féminins une vraie personnalité graphique, en jouant sur leur taille, leur corpulence, la finesse de leur trait, etc.

Enfin on peut particulièrement admirer sa maîtrise de l'ellipse. Gilbert Hernandez choisit en effet avec un art impressionnant les moments de la vie de ses personnages qu'il relate et ceux qu'il laisse à l'imagination du lecteur. Pas de superflu chez lui, pas de remplissage ; toute donnée inutile, que ce soit pour l'histoire ou pour l'ambiance, est laissée de côté. C'est tout spécialement visible dans les dernières pages de l'album. Chaque scène est constituée d'une case unique (à raison de 9 par pages) : dans la case suivante l'auteur suit d'autres personnages, que l'on pourra retrouver 3 cases plus bas ou 2 pages plus loin. Ces ellipses à répétition, si elles risquent de laisser sur les bords du chemin les lecteurs les moins attentifs, donnent au récit un tempo et une densité rarement égalés en bande dessinée.

N.B. : On pourra lire une chronique de cet album, très intéressante et beaucoup plus détaillée sur ce blog exclusivement consacré à Love and Rockets.

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