Dans Ivan Morve, comme dans une grande parie de son œuvre, Mattt Konture met en scène un unique personnage principal (les personnages secondaires étant la plupart du temps réduits au rôle de purs figurants) dépressif, qui partage son temps entre glandouiller dans son lit, zoner sans but dans les rues, se morfondre dans des endroits divers, complexer dans des soirées en se disant qu'il est nul, qu'il n'a rien à dire à personne ; parfois, quand cela va un peu mieux, que le printemps arrive, il mate les filles... Quel est l'intérêt de raconter tout cela à longueur de pages ? n'est-ce pas lassant à force d'être répétitif ? me demanderez-vous...
Oui, c'est répétitif ; particulièrement dans Ivan Morve, compilation de courts récits (une ou deux pages le plus souvent), pour la plupart initialement parus dans le Psikopat au tournant des années 1990. Mais ce n'est jamais lassant, bien au contraire. En effet, Mattt Konture, dessinateur exceptionnel à l'inventivité peu commune, a su faire de son œuvre une des plus fortes et des plus originales de ces 20 dernières années. Si le fond du récit varie très peu et quitte rarement le domaine de l'auto-lamentation, le dessin jouit d'une liberté débridée et fort réjouissante : les visages et les corps se déforment, les décors semblent avoir leur vie propre, les lettrages évoluent avec les sentiments des personnages, des éléments à la limite de l'abstrait viennent parfois envahir les cases. L'auteur se met en scène dans presque toutes les cases mais sous la forme de plusieurs avatars : Ivan Morve le mort-vivant (son état hivernal, qui se consacre à la déprime et à l'hibernation), comme dans la plus grande partie des récits de cet album, Galopu (son état printannier), Misteur Vrö (son état estival, passant son temps à faire la fête et à fumer) ou Mattt Konture lui-même... Tout cela donne lieu à de multiples variations qui font d'Ivan Morve une réussite hors norme.
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