mercredi 27 avril 2011

Mezek, de Yann et André Juillard (2011)

J'avais arrêté de m'intéresser au travail de Yann au début des années 1990. Il avait pourtant été l'un des plus brillants scénaristes des années 1980. Avec son compère Conrad, il avait renouvelé l'humour du très classique magazine Spirou, en introduisant dans les Hauts de page et les Innommables une bonne dose d'irrévérence et de mauvais esprit. Versant réalisme, il avait offert à quelques dessinateurs, notamment à Mitchez avec le premier tome de Tako et à Bernard Yslaire avec les deux premiers volets de Sambre des scénarios sombres et complexes, aux personnages torturés, qui apportaient un sang résolument neuf par rapport à la majeure partie de la production de l'époque. La Comète de Carthage, avec Yves Chaland au dessin, était une relecture subtile et complexe de la bande dessinée franco-belge traditionnelle.

Les albums suivants furent loin d'être aussi convaincants. Certaines de ses innovations (provocation, références nombreuses) tournaient au procédé. Sa reprise du Marsupilami était très premier degré. Ses nouvelles séries, comme Pin Up, tiraient sur le filon érotico-soft-nostalgique pour plaire au plus grand nombre.

J'ai donc été très agréablement surpris par Mezek. Yann nous livre un solide récit classique. Rien ne manque : une intrigue mêlant héroïsme viril, belles mécaniques, intrigues amoureuses et lourds secrets, avec en toile de fond un cadre historique passionnant et très documenté, à savoir la naissance de l'État d'Israël et la vie d'une escadrille de l'armée régulière israélienne, mêlant soldats autochtones et mercenaires internationaux. J'y ai découvert de nombreux éléments que je connaissais pas bien : le blocus sur les armes imposés au jeune État par la communauté internationale ou les luttes fratricides entre plusieurs factions juives, notamment.

Cette intrigue habile est en plus très bien servie par le trait classique toujours aussi élégant d'André Juillard. Bien sûr les défauts de celui-ci sont toujours les mêmes, notamment le manque de variété de ses visages anguleux, mais cela reste secondaire et sa ligne claire est toujours aussi esthétique. On retrouve surtout son goût de l'anatomie et du mouvement, son art de la couleur et de la lumière.

Un album très classique particulièrement réussi.

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