Le débat sur les prescripteurs pour les achats artistiques et sur le rôle des critiques « traditionnels » (entendez : ceux de la presse écrite), auquel j'ai modestement contribué avec mon message « Critique de la critique », continue.
Dans un message intitulé « Qui sont les prescripteurs de bandes dessinées ? », le blog Bédérama a repris quelques points de mon message évoqué plus haut et y a apporté de très intéressants compléments.
Esprit du temps ? coïncidence ? peu après la publication de mon message, Pierre Assouline a également intitulé son billet hebdomadaire du Monde des Livres du 25 février 2011 « Critique de la critique ». Ce billet a été republié sur son blog le 15 mars 2011 sous le titre « Funérailles annoncées du critique olympien ». J'y ai trouvé la phrase suivante : « Certains sont d’avis que le critique traditionnel se maintiendra tant qu’il se fera fort de repérer avec les armes qui sont les siennes (culture, jugement, analyse) les grandes œuvres invisibles dans l’immense tout-venant de la production éditoriale. » Je suis tout à fait d'accord pour voir là la mission, théorique, du critique. Mais je considère justement que les critiques traditionnels, dans leur immense majorité (il y a toujours des exceptions), n'ont pas rempli, ne remplissent pas, ne peuvent pas remplir cette noble tâche. Pourquoi ? J'ai cherché à l'expliquer dans mon message cité plus haut par différentes raisons, liées à la façon d'exercer le métier de critique : manque de recul, focus permanent sur l'actualité, accent mis sur la multitude d'œuvres contemporaines au détriment d'œuvres moins récentes mais plus essentielles. Résultat : une foule de notices critiques qui ne dépassent guère la copie du dossier de presse (les critiques les plus sérieux l'étofferont un peu avec un résumé plus détaillé de l'œuvre et une liste des thèmes abordés) agrémentée d'un « j'aime / j'aime pas » (d'habitude plutôt associé aux commentaires publié sur Internet) dans laquelle les œuvres vraiment marquantes ne se détachent pas.
« Repérer (...) les grandes œuvres invisibles dans l’immense tout-venant de la production éditoriale » ? Les critiques de la presse papier généraliste (ou culturelle non spécialisée en bande dessinée) en ont toujours été incapables dans le domaine de la bande dessinée. Heureusement que Francis Masse, Edmond Baudoin ou Fabrice Neaud n'ont pas attendu le « critique olympien » pour voir célébrer leur œuvre. Plus récemment, il n'y a qu'à comparer la faible couverture par la presse d'un livre majeur tel que L'Apprenti de Lucas Méthé et le battage médiatique, le plus souvent très élogieux, qui entoure la moindre sortie des bien falotes livraisons récentes des aventures de Blake et Mortimer, pour constater que, dans le discours du critique traditionnel, les « grandes œuvres invisibles » restent noyées dans « l’immense tout-venant de la production éditoriale ». Dans le domaine de la littérature, l'assourdissant silence entourant la sortie des œuvres majeures de Renaud Camus (Du Sens, L'Inauguration de la salle des vents, L'Amour l'automne) vient confirmer qu'ils sont bien rares (voire inexistants) les « critiques olympiens » à la hauteur de leur grande mission...
(Bien sûr, on peut citer des exceptions, des magazines rédigés par des passionnés, indifférents à la pression de l'actualité. Je pourrais citer par exemple Muziq dans le domaine de la musique et Bananas dans celui de la bande dessinée. Malheureusement, en plus des qualités que je viens de citer, ces deux magazines partagent la triste caractéristique d'avoir du mal à survivre et d'avoir une périodicité bien aléatoire...)
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