Je connais mal l’œuvre de Michel Foucault. Jusqu’à maintenant, je n’avais lu de lui que Les Mots et les Choses qui m’avaient très fortement impressionné.
Je viens de terminer Le Gouvernement de soi et des autres, le cours qu’il a donné au Collège de France en 1982 et 1983. Un des concepts sur lesquels il s’interroge, à travers la relecture de textes grecs antiques (et d’un texte de Kant en introduction), est celui de la parrêsia. Il tourne autour de ce terme des dizaines de pages durant, je ne parviendrai donc pas à vous le définir précisément en quelques mots. En première approximation (sommaire et forcément réductrice), je dirais qu’il s’agit, au moins dans certains contextes, de la vertu qui consiste à dire le vrai, particulièrement chez ceux qui dirigent la conscience des autres (Michel Foucault cite notamment en exemple Périclès face à l’assemblée athénienne et Platon face au tyran Denys de Syracuse).
La lecture de ce passionnant recueil de cours a fait naître chez moi de nombreuses réflexions, notamment sur la vie politique contemporaine, et sur certaines de ses tendances qui n’existaient pas encore vraiment au début des années 1980.
Michel Foucault distingue, à la suite des Grecs classiques, deux visions de la politique : d’une part celle du bon homme politique, représenté par Périclès, et du philosophe, personnifié ici par Platon ; d’autre part celle des rhétoriciens. La première approche consiste à faire, ou à conseiller de faire, ce qui est bon pour la cité (entre autres, faire usage de la parrêsia que j’évoquais plus haut). La seconde approche consiste à plaire au peuple en lui disant exactement ce qu’il attend. Bien entendu, pour les auteurs classiques, la première vision est noble, la deuxième approche relève de la démagogie et constitue une dérive de la démocratie.
Vu sous cet angle, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur les pratiques de quelques-un(e)s de nos hommes (femmes) politiques actuel(le)s. Certains semblent en effet, à force de sondages, de consultations citoyennes, de participations internautes et d’universités populaires, ne chercher qu’une chose : répéter dans leurs discours exactement ce que souhaitent les électeurs ; foin de prospective, de synthèse ou de vision d’ensemble, l’homme ou la femme politique n’est plus considéré que comme la caisse de résonnance de ses électeurs. Où s’achève la juste prise en compte de la volonté du peuple et où commence la synthèse stérile de brèves de comptoirs ? En lisant Le Gouvernement de soi et des autres, je n’ai pu m’empêcher de me demander dans quelle mesure cette fièvre participative qui s’est emparé de certain(e)s de nos représentant(e)s tombe dans les dérives de la démocratie que les anciens appelaient rhétorique ou démagogie…
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