samedi 5 novembre 2011

Une Vie Chinoise, de P. Ôtié et Kunwu Li (2009-2011)

Je parlais il y a quelques jours d’autobiographie en bande dessinée. Je ne considère pas Une Vie en Chine comme un chef-d’œuvre du genre mais c’est un excellent témoignage en image. Il s’agit du récit de la vie de Kunwu Li, dessinateur chinois, et de sa famille, depuis le milieu du XXe siècle. P. Ôtié a discuté avec Kunwu Li de la vie de celui-ci et en a tiré un scénario que Kunwu Li a dessiné. L’exercice est réussi : le récit est fluide et clair (alors que la situation du pays ne l’est pas du tout…) et le dessin, dont l’origine chinoise est relativement marquée, est très agréable. Le trait et certains paysages en perspective aérienne, notamment, rappellent un peu (au moins à mes yeux de béotien dans ce domaine) la peinture traditionnelle chinoise, ce qui n'est pas pour me déplaire. On suit les tribulations du père de famille, issu d'une famille bourgeoise rallié au Parti, qui participe à la prise du pouvoir par les communistes mais dont la vie est bouleversée par la Révolution culturelle ; on découvre les péripéties vécues par sa famille, notamment par son fils, Kunwu Li, dessinateur élevé dans le culte de Mao et abordant l'âge mur dans un monde qui vit au rythme de l'accumulation de richesses.

La grande réussite de cette trilogie (Le Temps du père, Le Temps du Parti, Le temps de l'argent) est de parvenir à expliquer à des lecteurs occidentaux un peu de la complexité de l’expérience chinoise de ce dernier demi-siècle.

J'avais déjà lu quelques histoires de la Chine ou des récits couvrant cette période. À chaque fois, bien des éléments m'étaient restés obscurs. Comment appréhender l'évolution si rapide de ce pays, passant en quelques décennies d'une culture traditionnelle plurimillénaire à un régime révolutionnaire faisant délibérément table rase du passé puis à un système au capitalisme débridé ? Comment les individus moyens ont pu traverser des périodes si variées ? dans quelle mesure ont-ils pu s'adapter ? Deux énigmes, principalement, me restaient impénétrables : comment Mao avait-il pu garder une telle aura après ses errements du Grand bond en avant et de la Révolution culturelle et des morts innombrables qui en en découlé ? Et comment imaginer ce que fut la Révolution culturelle ? Une révolution complète et éminemment paradoxale puisqu’elle a renversé le pouvoir en place à tous les échelons, alors qu'elle était lancée par Mao lui-même, dirigeant suprême du pays disposant peu ou prou de tous les pouvoirs ? Qu'avaient vécu ceux qui avaient traversé ces bouleversements sans équivalent connu dans l'Histoire ?

Je ne prétends nullement avoir tout compris après avoir lu ce témoignage. Et il est clair qu'il s'agit du récit d'une personne, qui, même en cherchant à raconter sa vie avec le plus d'objectivité possible, y a forcément introduit une vision subjective. Il n'empêche, Une Vie Chinoise m'a permis de comprendre un peu moins mal ce qu'ont vécu certains Chinois pendant ces décennies passionnantes et extraordinaires. Et, de ce point de vue, c'est une grande réussite.

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