dimanche 11 mai 2014

Le livre de Léviathan, de Peter Blegvad (2000, 2013)

Le livre de Léviathan (2000, 2013 pour l'édition française à L'Apocalypse) ne ressemble à rien de ce que j'avais lu auparavant. Nonsense, jeux de mots, citations littéraires (saint Augustin, Hegel, Thomas Hobbes bien sûr (puisque son ouvrage le plus célèbre s'intitule Leviathan), Sigmund Freud et bien d'autres ), citations et collages graphiques (Le Cri de Munch à plusieurs reprises, Mandrake le magicien, Burne Hogarth, etc.), tout concourt à faire de cet ouvrage une fête pour les yeux et l'imagination.

Ce livre est une compilation de strips publiés dans le journal anglais The independent on Sunday. Ils relatent les aventures de Léviathan, un nourrisson dont le visage ne présenté aucun trait, son chat et son lapin en peluche. Léviathan découvre le monde, le langage, la culture, le rêve, les cauchemars, l'enfer et bien d'autres choses encore. On croise également régulièrement les parents de Léviathan, sa sœur aînée et l'auteur, représenté par une main.

Cette découverte du monde par un bébé ne peut bien sûr être soumise aux lois de la logique que les humains découvrent progressivement. La frontière entre rêve et réalité est poreuse. L'enfant, les animaux et les objets communiquent. Tables et chaises s'accouplent pour donner des objets hybrides. Un miroir, puisqu'il reflète toute chose à l'envers, transforme un jeune bébé masculin chauve en une vieille femme aux cheveux longs. Léviathan apprivoise le monde en lui donnant des noms à sa convenance. Il repousse sans cesse les limites de sa connaissance, avec une "logique" rarement partagée par les scientifiques adultes.

Le monde prélogique des enfants donne lieu à la création d'un univers qui se joue des contraintes, tant formelles, langagières, narratives ou graphiques. Les styles de dessin les plus divers coexistent ; le monde est renommé, réinventé.

Cet univers unique débouché sur une œuvre pleine de poésie ("À chaque fois que l'on me demande la preuve que littérature, art et poésie peuvent exister en bande dessinée, je cite Peter Blegvad" a dit Ben Katchor, un connaisseur en bande dessinée atypique). Le remise en question de toutes les évidences rationnelles traditionnelles incite également le lecteur à interroger sa vision "logique" du monde.

Bref, un vrai chef-d'œuvre d'humour et de poésie que je vous recommande chaudement.

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