Lire le Journal de Renaud Camus est toujours un grand plaisir littéraire. Renaud Camus est un immense styliste, bien ancré dans la grande tradition française, qui va notamment de Saint-Simon à André Gide : clarté et précision de l'expression, équilibre de la phrase, choix attentif des mots (avec le recours régulier à quelques expressions étrangères, tirées de langues qu'il connaît et apprécie, l'italien et l'anglais essentiellement, lorsqu'il leur trouve une saveur particulière), ce qu'il faut d'humour, enfin, pour agrémenter l'ensemble.
Le style n'est pas tout. L'intérêt du Journal de Renaud Camus réside aussi beaucoup sur ses réflexions sur l'art et sur la société. C'est un homme de goût, qui sait très bien parler des œuvres qu'il apprécie, qu'il s'agisse de peintures (avec une affection particulièrement marquée pour certains peintres italiens et français du 17e siècle, ou des artistes contemporains, Marcheschi ou Cy Twombly notamment), d'oeuvres musicales (avec un penchant marqué pour la musique romantique et post-romantique) ou littéraires.
Sur la société, il a des opinions très marquées, souvent très intéressantes, malgré ce que je considère comme de nombreux excès. Pour résumer (au risque bien entendu d'être très réducteur), je dirais qu'il souhaiterait faire revenir l'ensemble de la société française dans le monde de la bourgeoisie de province des années 1950, dans lequel il a été élevé et tel qu'iĺ l'idéalise aujourd'hui. Renaud Camus ne supporte pas le monde d'aujourd'hui et rêverait de vivre isolé au milieu d'une campagne sans voisin, sans grande route, sans publicité, sans industrie, etc. Ce refus de s'adapter va parfois assez loin. Le cas des courriels est un exemple parlant. Il se trouve que l'habitude a fait que les formules de politesse dans les courriels ("Bonjour" pour débuter, "Cordialement" pour conclure) ne soient pas les mêmes que celles couramment admises pour les courriers papiers. Renaud Camus n'accepte pas cet état de fait et refuse même par principe de répondre à un courriel écrit de cette façon. Cela me fait revenir à Saint-Simon, que j'évoquais plus haut. Un des éléments les plus récurrents de ses superbes mémoires est son indignation outragée lorsque certaines traditions, notamment les règles de préséance liées à la noblesse et à la naissance, ne sont pas respectées à la lettre. Ces indignations pour des règles qui sont dépassées depuis plusieurs siècles semblent aujourd'hui bien ridicules à la lecture de l'œuvre de ce grand mémorialiste. La richesse du style et l'attachement à des normes de société au moins partiellement dépassées font que je ne peux m'empêcher de rapprocher ces deux auteurs. Dans les deux cas, je tire un très grand plaisir de lecture de leurs œuvres monumentales.
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