À force de vanter les mérites de l'oeuvre de René Girard, je dois parfois répondre à cette question : « Et par quel ouvrage me conseilles-tu de commencer ? » Voici donc quelques conseils de lecture pour découvrir l'oeuvre de René Girard, en complément de mon post de jeudi dernier.
Tout ne se situe pas au même niveau dans la bibliographie de René Girard. Je distinguerai, de façon tout à fait subjective et arbitraire, trois grandes catégories d'ouvrages :
1) Les trois oeuvres maîtresses dans lesquelles René Girard applique sa pensée à trois domaines apparemment très différents : la littérature, les sciences humaines et la foi chrétienne.
- Mensonge romantique et vérité romanesque (1961) : Son premier ouvrage. Il commence à explorer le désir mimétique en analysant quelques grands textes de la littérature : Stendhal, de Proust ou Dostoïevski.
- La Violence et le sacré (1972) : Plus de 10 ans après Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard pose les bases de son système.
- Je vois Satan tomber comme l'éclair (1999) : Relecture de la révélation chrétienne à la lumière des thèses girardiennes (et vice-versa).
La lecture de ce trois ouvrages permet à mon avis d'avoir une vue d'ensemble de la pensée de René Girard.
2) Les autres essais.
Dans de nombreux autres livres René Girard approfondit certains aspects de sa pensée. Il analyse d'autres textes littéraires dans Dostoïevski : du double à l'unité (1963), Critique dans un souterrain (1976) ou le passionnant Shakespeare : les feux de l'envie (1990). Il relit de façon très éclairante le livre biblique de Job dans La Route antique des hommes pervers (1985). Il évoque le sacrifice du Christ dans Celui par qui le scandale arrive (2001). Dans Le Bouc émissaire (1982), il approfondit la lecture des textes victimaires et répond à certaines critiques lui ayant été adressées.
Ces livres sont tous passionnants mais ils ne me semblent pas fondamentaux dans la progression de la pensée de René Girard dans la mesure où ils ont tendance à approfondir des idées déjà évoquées dans certains des trois ouvrages regroupés dans la catégorie précédente.
3) Les entretiens.
Tout au long de sa carrière, René Girard a publié de nombreux livres d'entretien. Bien que contenant des éléments très intéressants, ils me semblent relativement secondaires d'une part parce qu'ils n'apportent pas autant d'éléments nouveaux que les livres cités ci-dessus, d'autre part parce que je les trouve souvent un peu décousus, en tout cas moins bien construits que ses autres ouvrages.
Un mot tout de même sur Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), dans la mesure où c'est un de ses ouvrages les plus connus. Malgré sa grande notoriété, je ne le conseillerai pas à un néophyte pour les raisons suivantes : Le cheminement de la pensée, avançant au gré des questions des deux interviewers, peut sembler très chaotique à quelqu'un qui découvre René Girard. En outre y est exacerbée un trait de René Girard qui a souvent tendance à rebuter les non convaincus : il accentue parfois, surtout au début de sa carrière, ce qui le sépare des courants de pensée qui l'ont précédé, se faisant ainsi apparaître comme encore plus novateur qu'il n'est (ce qui transparaît d'ailleurs dans le titre de l'ouvrage) ; c'est particulièrement vrai au cours de ces entretiens car il y est grandement encouragé par ses deux interviewers béats d'admiration.
N.B. : Je n'ai pas encore lu ses derniers ouvrages tels que Le Sacrifice (2003), Achever Clausewitz (2007), La conversion de l'art (2009).
Et maintenant, bonne lecture !
Achever Clausewitz est un livre dense et passionnant. Personnellement, j'aurais mis Des choses cachées... dans le peloton de tête, dans la mesure où il forme un diptyque avec La Violence et le Sacré. Et puis, tout de même, c'est là qu'est introduit le biblique qui va jouer un rôle prépondérant dans toute l'œuvre ultérieure !
RépondreSupprimerMais, bon : un article sur Girard, un autre sur Camus : l'adresse et bonne, je la mets en lien !
Des choses cachées... est effectivement un ouvrage majeur (et je l'ai relu récemment avec beaucoup d'intérêt) mais je ne le conseillerai pas à quelqu'un qui découvre René Girard.
RépondreSupprimerEt merci pour l'avis concernant Achever Clausewitz, je vais probablement en faire l'acquisition très vite.