Je viens de dévorer L'Art de Jean-Claude Forest, de Philippe Lefèvre-Vakana, publié aux Éditions de l'An 2 (et malheureusement épuisé à l'heure actuelle...). À sa lecture, j'ai été parcouru de sentiments divers...
Un peu de perplexité tout d'abord. Le parti pris de l'auteur est clair, dès le titre de l'ouvrage : L'Art de Jean-Claude Forest. Les monographies sur un auteur de bande dessinée sont le plus souvent constituées d'un texte (biographie de l'auteur, analyses sur son œuvre, etc.) illustré par quelques cases ou planches tirées des albums publiés. Ici, la forme utilisée se rapproche beaucoup plus des livres d'art : un court texte introductif précède de nombreuses reproductions des planches originales : on découvre alors tout le travail de l'artiste, repentirs au crayon, retouches à la gouache blanche, découpes et collages de dessins de différentes provenances. La date du dessin (plutôt que celui de la publication) est indiquée lorsqu'elle est connue ; les techniques utilisées et le format des œuvres sont précisés également. En caricaturant, on pourrait affirmer que l'œuvre de Jean-Claude Forest est donc présentée sous l'angle de celle d'un artiste qui réalise des œuvres destinées à être accrochées dans une galerie plutôt qu'à être reproduites, après gommage de leurs aspérités, dans des bandes dessinées à grand tirage. Je suis a priori dubitatif devant ce genre de parti pris : n'est-ce pas une façon réductrice et inutilement pédante d'aborder l'œuvre d'un auteur de bande dessinée ? surtout quand l'auteur en question apparaît souvent avant tout comme un conteur. Eh bien la lecture l'ouvrage a levé toutes mes réticences. Cette approche m' permis de découvrir Jean-Claude Forest sous un autre angle et d'apprécier encore plus qu"vant sn travail purement graphique.
De nombreuses frustrations, ensuite. Que de projets refusés ! que d'histoires inachevées ! que d'idées inabouties ! Toute sa vie, et malgré le succès du premier Barbarella, Jean-Claude Forest a subit l'incompréhension des lecteurs et des éditeurs. Ceux-ci ont refusé bon nombre de ses projets. Ainsi, quatorze pages d'un quatrième Hypocrite ont été dessinées, puis abandonnées suite au refus de les publier par le magazine Pilote. On découvre également, au fil des pages, un strip issu d'un projet d'un autre Barbarella, le début de La Croisière des quatre jeudis, plusieurs extraits de scénarios terminés mais jamais dessinés... Des bandes jamais rééditées, comme le Copyright, ou épuisées depuis longtemps, comme Bébé Cyanure.
Enfin, et surtout, une immense admiration. Décidément, non content d'être un très grand conteur, Jean-Claude Forest fut aussi un dessinateur exceptionnel. En dehors des modes (quelle idée saugrenue de remettre au goût du jour dans les années 1980 le style de dessin en vogue dans les gravures de la fin du siècle précédent), il n'a cessé de travailler son dessin (allant jusqu'à travailler sur des planches originales de près d'un mètre de large...), de le faire évoluer, de l'adapter à ses récits. Un grand artiste décidément.
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