mercredi 4 mai 2011

La Bande Dessinée et son Double, de Jean-Christophe Menu (2011)

Si, dans une thèse, vous espérez trouver un travail scientifique particulièrement objectif, passez votre chemin ; la thèse de Jean-Christophe Menu, intitulée La Bande Dessinée et son Double et récemment publiée par L'Association, n'est rien de tout cela. Elle n'en est pas moins passionnante.

Pendant une majeure partie de l'ouvrage, Jean-Christophe Menu ne parle en fait presque de lui et de sa pratique de la bande dessinée, sous quatre aspects au moins. Il évoque ainsi son expérience de lecteur, d'auteur, de critique et d'éditeur. Il met en valeur la façon dont il a toujours cherché à enrichir le médium et à en élargir le champ des possibles : en tant que critique, en vitupérant contre tous ceux qui, à son avis, appauvrissent le médium en l'emprisonnant dans des cadres arbitraires et trop stricts (comme le 48CC, ou album de 48 planches, cartonné, en couleurs) ; en tant qu'éditeur, en publiant des livres atypiques qui ne trouvaient pas leur place ailleurs et en créant des maquettes qui se voulaient plus proches de celles des livres traditionnels que de celles habituellement réservées à la 'BD' ; en tant qu'auteur enfin, en réalisant des bandes dessinées qui exploraient sans cesse de nouveaux horizons, le récit traditionnel, l'autobiographie, la fiction en monde clos (le Mont Vérité et le monde de la Mune), l'hétérotopie' (récit dans lequel se déroulent en parallèle plusieurs fils narratifs différents), retour actuel à l'autobiographie, mais de façon indirecte (avec la série des Lock Groove Comics), etc. Jean-Christophe Menu n'est pas un auteur très prolifique ; il a tendance à se lasser d'une forme dont il a l'impression d'avoir fait, au moins partiellement, le tour ; chacun de ses récits peut alors apparaître comme la nouvelle étape d'une démarche de recherche, un nouveau jalon visant à repousser les limites de la bande dessinée. C'est, à mon sens, l'apport majeur de ce riche ouvrage ; de nombreuses planches, certaines plutôt rares, de l'auteur viennent illustrer fort à propos son argumentation. J'ai ainsi découvert plusieurs récits complets de lui que je ne connaissais pas et que j'ai beaucoup apprécié...

La suite de l'ouvrage, dans laquelle Jean-Christophe Menu s'interroge sur les limites du médium, pour mieux les repousser, m'a moins passionné. Le choix d'exemples instructifs mais disparates et isolés (un bas-relief antique égyptien, un 'livre' du Moyen-Age, une suite de peinture provenant de l'Allemagne de la première moitié du XXe siècle) et le refus par Jean-Christophe Menu de toute systématisation permettent d'entrouvrir des pistes intéressantes mais m'ont un peu laissé sur ma faim.

L'ouvrage dédié à la bande dessinée le plus intéressant que j'ai lu depuis longtemps...

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