Je me replonge actuellement dans l’œuvre de Claude Debussy, à la fois directement, en écoutant sa musique, et indirectement, en lisant divers écrits de lui (des extraits de sa correspondance) ou à lui consacrés (notamment, Claude Debussy, la musique et le mouvant de Jean-François Gautier).
Je me suis fait quelques réflexions que je souhaitais partager ici.
En premier lieu, c'est un musicien toujours en mouvement. Jamais il ne répétait deux fois la même formule. Pelléas et Mélisande l’a rendu célèbre mais il s’est consciemment empressé, après cette œuvre, d’aller déchiffrer de nouvelles voies, refusant de se reposer sur ces lauriers pourtant durement acquis (près de 10 ans de composition…).
Je suis frappé par la quantité d’œuvres inachevées que Debussy : est-ce une conséquence du point précédent, de son souhait d’explorer sans cesse de nouveaux horizons, une marque de son perfectionnisme ? Toujours est-il qu’il a laissé en cours de composition des partitions très diverses, entre autres de nombreux projets d’adaptations littéraires (Edgar Allan Poe, William Shakespeare, etc.). La lecture de ses lettres laisse ainsi songeur et je me suis pris d’une fois à rêver de ce qu’il aurait pu faire de La Chute de la maison Usher ou de Comme il vous plaira...
Malgré son importance capitale dans l’histoire musicale, Debussy semble être un compositeur réellement isolé. Il revendique peu d’influences directes, si ce n’est d’anciens compositeurs un peu oubliés, Palestrina (1525-1594) au premier chef. Certes l’influence de Richard Wagner fut déterminante, que ce soit en positif, par ce qu’il en a retiré, ou en négatif, par ce qu’il en a explicitement rejeté. Dans l’ensemble toutefois, Debussy semble s’être tenu relativement à l’écart des nombreuses écoles qui agitaient le monde de la musique de son temps. De même, a-t-il vraiment connu des disciples ? On a pu parler de ‘debussysme’ ; mais, au-delà de l’effet de mode, ce terme a-t-il vraiment regroupé des successeurs du Maître ?
Plus généralement, l’importance de Debussy, son apport dans la musique occidentale ont longtemps eu beaucoup de mal à être appréhendés par les théoriciens de la musique. Pendant des décennies, et encore jusqu’à nos jours pour certains, l’histoire (avec un grand H) de la musique occidentale entre le XVIIe et le milieu du XXe siècle n’est qu’une progressive émancipation de la tonalité : est considéré comme novateur tout compositeur qui se rapproche plus de l’atonalité, puis du sérialisme, que ses prédécesseurs. Debussy n’entre que bien imparfaitement dans une telle lecture unidimensionnelle. Il a d’ailleurs fallu attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que les théoriciens perçoivent pleinement toute la richesse harmonique de ces œuvres. Debussy échappe par là à la lecture dominante, et très réductrice, de la l’évolution musicale, qui veut que toute progression rapproche des œuvres d’Anton Webern, perçues comme un aboutissement.
Bref, plus je découvre Debussy, plus je trouve son œuvre riche, unique et inclassable. Un plaisir toujours renouvelé...
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