Chaumont-sur-Loire n’est probablement pas le plus beau ni le plus prestigieux des châteaux de la Loire. Une idée originale a cependant été développée pour en augmenter les attraits : depuis une vingtaine d'années, le parc de ce château accueille un festival annuel de jardins. Tous les ans, des artistes internationaux proposent des créations originales : le visiteur découvre ainsi plusieurs dizaines d’enclos de quelques mètres carrés chacun, contenant des jardins aux concepts originaux. À ces créations éphémères, il faut ajouter quelques œuvres pérennes dans les jardins permanents du parc du château. J’ai découvert ce festival pour la première fois cette année et je l’ai énormément apprécié : les quelques heures de promenade dans le parc permanent et dans les jardins temporaires constituent une expérience unique et très agréable : tous les quelques mètres, l’on découvre de nouvelles œuvres intégrées dans le paysage, l’on se retrouve dans un cadre totalement différent, où plantes et structures nous invitent à la contemplation la plupart du temps, à la rêverie souvent, à la réflexion parfois.
Deux éléments m’ont toutefois gêné lors de cette visite. Ils m’ont d’autant plus agacé qu’ils représentent, à mes yeux, deux travers particulièrement récurrents de l’art contemporain (en France tout au moins).
Les œuvres présentes dans les jardins cherchent la plupart du temps à s’intégrer dans leur milieu : nous voyons ainsi des plates-formes en bois, des cabanes, etc. Malheureusement, puisqu’il s’agit ici d’œuvres d’Art avec un grand A, il n’est pas possible de les toucher. Alors que ces œuvres ludiques présentes dans un jardin pourraient permettre au visiteur de s’approcher au plus près d’une œuvre d’art, de se familiariser, de se réapproprier en quelque sorte une partie de l’art contemporain, nous restons sur le schéma de la sacralisation de l’œuvre d’Art : celle-ci est un objet hors du commun, résolument « à part », que le commun des mortels ne peut approcher, alors que tout inviterait (sa fonction apparente, sa proximité, ses matériaux) à la toucher, à s’en servir.
Les jardins et les œuvres exposées sont tous accompagnés d’un panneau offrant à la lecture un texte explicatif. Un conseil : si vous voulez profiter des œuvres, ne lisez pas ces textes ! Plus d’une fois, leurs concepts abscons et tirés par les cheveux, leur métaphysique de bazar, leurs liens trop vagues et trop lointains avec les œuvres exposées, m’ont – presque – gâché la vision de celles-ci. Nous sommes ici, comme trop souvent, dans une optique stérile où la valeur des œuvres est estimée davantage en fonction de la longueur des exégèses savantes qu’elles permettent que de leur valeurs esthétique intrinsèque. Comme s’il ne pouvait s’agir d’une relation personnelle entre l’œuvre et le spectateur, mais qu’il fallait nécessairement passer par une complexe explicitation de concepts – plus ou moins – fumeuse pour apprécier une œuvre.
La sacralisation des œuvres et l’hypertrophie conceptuelle des analyses n’est pas propre au festival des jardins de Chaumont, loin s’en faut. Je les remarque trop souvent lorsque je m'intéresse à l'art contemporain et ne peux m'empêcher de penser qu'elles constituent un des obstacles majeurs à unemeilleure découverte des œuvres d'art actuelles par le grand public curieux...
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