Après la longue digression du message précédent sur le dialogue en bande dessinée, revenons à Gilbert Hernandez. J'avais un peu décroché de sa production récente ; ses récits me plaisaient moins depuis qu'il s'était complètement éloigné de Palomar et des personnages qui gravitaient autour, pour se complaire dans des récits de pseudo-série B gores : probablement trop de sexe et de sang pour moi.
Rien de tout cela dans And Then Reality Kicks In. Deux personnages, à la trentaine bien avancée, discutent. Il s'agit de Fritz, ancienne psychanalyste et actuellement star de cinéma de série B, la sœur de Luba, personnage principal de la saga Palomar, et d'un homme que je ne connais pas. Ils ont déjà dépassé l'âge des illusions de jeunesse et sont relativement désabusés. Pas malheureux, cependant. Ils prennent leur vie comme elle vient et essaient d'en profiter. Et nous les voyons discuter.
Pendant les 15 pages du récit, nous lisons donc un dialogue entre deux trentenaires qui s'interrogent, plus ou moins explicitement, sur le sens de l'existence. À la difficulté, dont j'ai parlé dans mon message précédent, de mettre en scène de façon intéressante un dialogue en bande dessinée s'ajoute le défi de ne pas lasser avec des questions existentielles, somme toute très classiques et sans réelle réponse. En variant les mouvements des personnages, leur expressions, leurs mimiques, Gilbert Hernandez parvient littéralement à donner du corps, donner de la chair à leur interrogations abstraites. D'un léger sautillement de Fritz, qui montre notamment l'énergie qu'elle conserve, à un croisement de bras, mettant en lumière une réflexion légèrement désabusée, les propos sont enrichis constamment pas les mouvements corporels. Et nous assistons à une dialogue d'une grande force émotionnelle entre deux personnages qui nous deviennent rapidement très proches.
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