C'est la saison d'Angoulême. Une fois de plus, le mode d'élection du Grand Prix de la ville d'Angoulême change ; une fois de plus ce changement fait couler beaucoup de salive et d'encre (virtuelle surtout). Comment cela fonctionne-t-il cette année ? Je ne vais pas entrer dans les détails mais en gros il a deux collèges d'électeurs (l'académie des grands prix, c'est-à-dire tous les anciens lauréats du grand prix, d'une part, l'ensemble des auteurs de bande dessinée publiés en France d'autre part) ; une liste d'auteurs éligibles prédéfinie par un groupe d'organisateurs ; une élection à deux tours avec pondération des voix des deux collèges... Certes, cela fait un peu usine à gaz, mais est-ce très important ?
Ce qui est important, si ce grand prix veut rester (ou devenir) une récompense de référence en France, ainsi que dans le monde, c'est que les futurs auteurs récompensés le méritent vraiment et que leur valeur soit reconnue au-delà d'un microcosme français et qu'elle soit durable (par opposition aux effets de mode comme cela à pu être le cas de Lauzier par exemple).
Or si pendant environ la première décennie du festival les auteurs récompensés par le grand prix remplissaient globalement ces conditions (auteurs de plusieurs nationalités, reconnus en France et à l'international : Franquin, Jijé, Eisner, Moebius, Reiser, Fred, Forest, Tardi, Bilall, Druillet, Pratt...), cela a commencé à se gâter à la fin des années 1980. De plus en plus de grands prix, bien que talentueux, ne pouvaient pas du tout prétendre à une quelconque aura au niveau international. Il s'agissait d'auteurs français d'un certain talent, ayant travaillé pour quelques éditeurs ou revues au sein desquels ils s'étaient connus. L'élection fondée sur la valeur de l'œuvre était devenue cooptation d'auteurs qui se connaissaient, voire copinage diront les mauvaises langues... Des auteurs comme Jacques Lob, Martin Veyron, René Petillon, Jean-Claude Denis, Baru, François Schuiten, Zep, par exemple, sont très talentueux et j'apprécie beaucoup leur œuvre mais ils ne peuvent pas, à mon avis, être considérés parmi les meilleurs actuels de la bande dessinée mondiale, ni en termes de valeur artistique, ni en termes d'influence (et je ne parle pas des auteurs dont j'apprécie moins les œuvres et qui me semblent d'une importance secondaire, même dans l'aire francophone, comme Florence Cestac, Régis Loisel ou François Boucq ; et il y eut même Georges Wolinski, dont je n'ai toujours pas compris l'apport à la bande dessinée excepté le fait qu'il a copié la grande revue italienne de bande dessinée, Linus, pour faire le Charlie français).
Certes il y eut encore des grands prix tout à fait pertinents : Art Spiegelman, Robert Crumb, José Munoz, Nikita Mandryka, etc. Mais c'est devenu l'exception plus que la norme.
Il me semble donc sensé, voire nécessaire, de réformer le mode d'élection des grands prix afin que les futurs lauréats donnent une image plus moderne et plus internationale de la richesse de la bande dessinée.
Et ce qui sera retenu de cette élection, ce ne sont pas les querelles qui animent le microcosme de la bande dessinée franco-française (15 grands prix viennent d'annoncer que, pour protester contre ce nouveau mode de scrutin, ils ne voteraient pas cette année), mais la légitimité des futurs lauréats. Messieurs les votants, à vous de jouer...
A quand le grand prix pour Edmond Baudoin?
RépondreSupprimerNon, bien sûr je rêve...
Ps: pas d'accord pour Loisel.
Tout à fait d'accord pour Edmond Baudoin ! Il me semble être l'auteur francophone qui mériterait effectivement le plus d'être récompensé, à la fois pour la valeur intrinsèque de son œuvre et pour l'influence qu'il a eue.
RépondreSupprimerPour Loisel : je dois avouer que je ne me suis jamais penché avec beaucoup d'attention sur son œuvre (j'ai tout de même lu La Quête il y a quelques années). ll est donc possible que je sous-estime sa valeur...
c'est trop bien !!!!!
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