« Manga culte » peut-on lire sur la couverture de ce pavé de près de 1 500 pages, premier volume d'une série de quatre. Je découvre en outre sur Internet que la revue Garo, revue phare du manga d'auteurs, a été créée en 1964 pour accueillir la publication de ce manga. Voici une œuvre que précède une bien flatteuse réputation... Après avoir lu ce premier tome, je dois me rendre à l'évidence : cette excellente réputation n'est pas usurpée et je viens effectivement de lire un chef-d’œuvre du manga.
Kamui-Den est une vaste fresque historique dans le Japon rural de l'époque Edo (1603-1868). L'ampleur du récit et la multiplication des fils narratifs, qui se croisent, s'éloignent puis se rencontrent de nouveau m'a fait penser à d'autres mangas, notamment aux récits épiques de Tezuka, Bouddha ou certains volumes de Phénix par exemple. Dans Kamui-Den également, les intrigues sont multiples et les personnages nombreux. Ceux-ci sont issus des différentes couches sociales de la population. On peut citer Kamui, le paria, Shôsuke, le fils de domestique vivant dans un village paysan, et Ryûnoshin, issu d'une famille de guerrier. Confrontés à des situations complexes et à des choix difficiles, ils prendront des chemins de traverse pour tenter d'accomplir leurs rêves. Loin de tout manichéisme, ces personnages effectuent des choix moraux qu'un lecteur moderne peut trouver discutables, mais qui ajoute à la force et au réalisme du récit. Pour ajouter à la diversité des intrigues, on peut inclure dans cette liste le personnage d'un jeune loup blanc dont les pérégrinations sont également contées pendant plusieurs centaines de pages. Comme dans de nombreux mangas, l'art du combat, celui des guerriers, celui des ninjas, ou, moins académique, celui des parias et des villageois, est à l'honneur. Les scènes de dojo et de duel sont légion. Le code d'honneur des samouraïs et les récits de vengeance sont des traits récurrents de l'intrigue.
Un autre élément majeur de Kamui-Den est son aspect très politisé. L'auteur cherche explicitement à mettre en lumière les lourdes injustices du système politique alors en place. Cette volonté critique marquée l'incite à décrire maints épisodes douloureux et sordides : exécutions plus ou moins sommaires d'hommes adultes ou parfois de familles entières, morts tragiques, injustices poussant des personnages dans la folie, etc. Kamui-Den est ainsi parfois d'une lecture éprouvante.
Autre point marquant : Shirato Sanpei interrompt souvent son récit par de longs narratifs. Il en profite alors pour justifier des partis-pris narratifs (il s'excuse ainsi après avoir consacré près de 100 pages aux aventures du jeune loup blanc, laissant de côté pendant cette période les récits tournant autour des humains), pour décrire plus précisément quelques aspects de la vie sociale d'alors ou pour prendre violemment position contre les injustices de l'époque, voire contre les prolongemenst actuels de celles-ci...
J'ai gardé pour la fin ce qui m'a le plus marqué tout au long de ces centaines de pages : Shirato Sanpei est un dessinateur absolument exceptionnel. Mises en pages variées et dynamiques, trait juste et précis, scènes de combat pleines de mouvement, animaux superbement dessinés, chaque page est un régal rare. Certains aspects du récit auraient pu provoquer chez moi quelque lassitude, notamment les scènes de combat et de vengeance parfois légèrement répétitives ou les mésaventures animalières ; mais la richesse et la beauté du dessin m'ont fait dévorer ce pavé avec délectation...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire