vendredi 24 septembre 2010

Entretien avec Edmond Baudoin (2ème partie)

Le début de l'entretien est disponible ici : première partie.

Voici la suite de l’entretien avec Edmond Baudoin. Nous étions en train de parler de l’enseignement de la lecture des images…

Edmond Baudoin : C’est vrai que c’est difficile. Il y a eu des textes là-dessus, de Barthes, de Pasolini. Surtout de Pasolini, j’aime beaucoup ses textes qui parlent de l’image.

Mais comment enseigner cela ? Comment enseigner que Pasolini, quand il faisait une allée qui allait vers la maison du bourgeois, s’il mettait une allée de peupliers, ce n’était pas comme s’il mettait une allée de marronniers ? C’est compréhensible, c’est évident, dit comme ça, mais comment enseigner ca dans les écoles ?

Sébastien Soleille : Peut être par l’exemple, en montrant des cas concrets.

E. Baudoin : Oui, effectivement, prendre des choses très courtes dans des films…

S. Soleille : Ce sont des choses que vous avez abordées quand vous étiez professeur au Canada ?

E. Baudoin : Oui. On peut le faire de manière un peu facile, on peut prendre des choses simples. Par exemple, on peut prendre une ou deux affiches. Vous prenez deux affiches, mais sans mettre de titre, sans mettre de nom d’auteur ; vous mettez devant les élèves une affiche d’un film de Woody Allen et un une affiche d’un film de Sylvester Stallone. La Rose Pourpre du Caire ou Rambo, je ne critique pas du tout, hein, je fais juste un truc sur ces deux images. Vous mettez ces deux affiches et vous voyez qui veut aller voir tel ou tel film. Pourquoi veut-on aller voir ce film, alors que l’on n’a pas le titre ? pourquoi veut-on voir celui-là ? et pour quelles raisons ? qu’est-ce qu’il y a dans ces images qui fait qu’on veut voir ce film ou celui-là ?

Alors on peut démarrer comme ça, après on peut continuer. On peut enseigner comme ça avec des enfants.

S. Soleille : Pour l’instant vous avez enseigné trois ans au Canada. Est-ce votre seule expérience d’enseignement ?

E. Baudoin : Non. Enfin, la seule expérience longue, oui. Mais j’ai donné des conférences dans des universités, en Chine, en Inde, au Chili, au Vénézuela. En Chine, c’était fabuleux.

S. Soleille : Pourquoi ?

E. Baudoin : Les moyens que les universités me donnaient pour faire ces conférences… La réceptivité des ces étudiants… Et alors, eux, l’image…

Si on veut avoir peur des Chinois, il n’y a pas de raison d’avoir peur des Chinois, mais ils sont impressionnants. En Inde aussi, c’était impressionnant, mais en Inde ils ont moins de moyens.

En Chine, ce sont des enfants de riches qui vont à l’université, même à l’université populaire. Je veux dire, les parents se saignent pour envoyer leurs enfants à l’université… Mais alors, wouah, ils sont fortiches !

S. Soleille : Il y a autre chose que je voulais aborder avec vous, parce que cela m’a marqué dans vos derniers albums, c’est l’irruption du rêve ; l’irruption du cauchemar dans Travesti, celle du rêve féérique dans Peau d’âne (les trois robes, c’est vraiment du rêve).

E. Baudoin : Oui, tiens, c’est vrai.

Ce matin, il y avait une émission sur l’importance de l’ombre dans notre monde rationnel. J’entendais que même les chercheurs, mêmes les scientifiques, quand ils trouvent quelque chose, ce n’est jamais seulement avec la raison, c’est avec quelque chose qui leur a échappé. Il y a chez tout le monde une part d’animisme, un lien avec ce qui nous entoure, un mystère, qui n’a rien à voir avec la religion.

Pourquoi on est avec quelqu’un ? pourquoi quelqu’un nous sourit et nous plaît ? pourquoi avec un autre, on n’aurait même pas envie de boire un verre ?... Qu’est ce qu’on lit ? qu’est-ce qu’on sent ? et comment le traduire en dessin ?

S. Soleille : Traduire tout cela en dessin, vous essayez depuis des années…

E. Baudoin : Oui, oui, oui… (rires)

Puis l’entretien prend un autre tour. Baudoin me parle de son prochain projet. La suite de l'entretien est ici sur ce blog.

À suivre...

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