dimanche 19 septembre 2010

Week end, de Jean-Luc Godard (1967)

Les films tournés par Jean-Luc Godard à la fin des années 1960, notamment Week end, le dernier de sa période commerciale, sont exceptionnels à plus d'un titre.

Jean-Luc Godard est un artiste militant. Sa critique de la société capitaliste contemporaine, dans Week end notamment, est extrêmement virulente. Dans ce film, la soif de possession de la bourgeoisie débouche sur des situations véritablement apocalyptiques : agressivité sans borne, lutte de tous contre tous, accumulation de destruction et d'accidents meurtriers.

On peut trouver dans ce film de très nombreux symboles ou images, plus ou moins évidents, dénonçant le capitalisme bourgeois et la société de consommation. Une des images les plus fortes étant celle qui clôt le film : une bourgeoise déguste avec délectation les restes de son mari frits à la poêle.

Critique de la société bourgeoise, en premier lieu. Apologie (encore que ce terme puisse amplement prêter à discussion) de la révolution également. Pendant cette période de sa carrière, Jean-Luc Godard a en effet commencé à montrer des sympathies appuyées pour des mouvements d'extrême-gauche, souvent proches du maoïsme. Dans le film précédant Week end (et datant comme lui et comme Deux ou trois choses que je sais d'elle de 1967 ! Imaginez donc : à l'époque Jean-Luc Godard tournait deux ou trois chefs-d’œuvre par an !), La Chinoise, il décrivait avec sympathie un groupuscule d'activistes gauchistes (c'est d'ailleurs, à mon avis, un des meilleurs rôles de Jean-Pierre Léaud, qui ne fut pas seulement l'Antoine Doisnel de François Truffaut).

Jean-Luc Godard est donc un artiste militant. C'est loin d'être le seul. Cependant, tout en étant profondément militant, il reste, d'abord et avant tout, profondément artiste. Sa critique est virulente et ses sympathies affichées. Mais jamais il n'assène de vérités définitives. Les bourgeois sont des salauds, mais les gauchistes, violents et nihilistes, n'apparaissent pas vraiment comme des héros sans tâche. Godard ouvre des portes, pose des questions mais n'est jamais un théoricien pontifiant. Sa critique est d'ailleurs trop virulente pour être pleinement pertinente en tant que simple critique. S'il ne s'agissait que de critiquer la France pompidolienne, la première demi-heure de Week end pourrait suffire, le reste du film serait redondant. Mais il ne s'agit pas seulement d'un pamphlet aux messages clairs et aux idées arrêtées. Quels que soient les messages qu'il véhicule ce film reste avant tout une œuvre d'art aux sens et aux vérités multiples et fuyantes, aux formes sans cesse renouvelées.

Si ce film est révolutionnaire dans ses propos, il l'est tout autant, voire plus, dans sa forme. Dans ce film, comme dans les précédents, au moins autant qu'il atomise les mœurs de la société de l'époque, Jean-Luc Godard dynamite les habitudes du cinéma traditionnel. L'innovation formelle accompagne et renforce le message de rénovation de la société.

Le film s'achève sur un carton qui affirme, définitif : "fin de cinéma". Après Week end, Godard s'est consacré pendant plus de 10 ans à un cinéma collectif, encore plus militant, hors des circuits commerciaux traditionnels. Il faudra attendre 1980 et Sauve qui peut la vie pour revoir un film de lui distribué dans les circuits commerciaux. Mais ceci est une autre histoire...

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