mardi 15 mars 2011

Ma bédéthèque idéale, première partie : des années 1830 aux années 1930

Je ne peux pas m'empêcher de me livrer au jeu un peu vain, mais ô combien amusant, de dresser la liste de ma bibliothèque idéale de bandes dessinées. Cette liste sera bien entendu très subjective. L'inclusion de certains albums sera sans doute le fruit d'un effet « madeleine » ; je ne peux parler que de ce que j'ai lu et parlerai donc surtout d'auteurs anglophones ou francophones.

Pour varier un peu, je ne dresserai cette liste ni par ordre de préférence (ce qui n'a, à mon avis, aucun sens), ni par ordre alphabétique, ni par genre, ni par pays, mais par ordre chronologique. Cet ordre sera un peu artificiel dans la mesure où je citerai notamment des œuvres qui couvrent plusieurs années, voire plusieurs décennies. Pour ces séries, je donnerai parfois les dates de la publication intégrale, parfois seulement celles de la période que je préfère.

Voici donc une liste d'une soixantaine de titres qui débute avec celui que beaucoup considèrent comme l'inventeur de la bande dessinée, le Suisse Rodolphe Töpffer, contemporain de Goethe...


Années 1830.

Œuvres de Rodolphe Töpffer (1830-1844, Suisse).
Le coup d'essai fut un coup de maître : Dès ces premières bandes dessinées, Rodolphe Töpffer utilise de nombreuses potentialités de ce média tout neuf (variation des tailles des cases pour jouer sur le rythme du récit, itération iconique, etc.) pour relater des récits pleins d'humour.
Son Essai de Physiognomonie est en outre un livre critique passionnant.

C'est tout pour le XIXe. Je suis persuadé que d'autres auteurs de cette époque méritent d'être découverts (Christophe, Caran d'Ache, Rudolph Dirks, par exemple) mais je les connais très mal. On pourra trouver de nombreux échantillons de cette époque sur le très riche site Coconino.


Années 1900.

Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay (1905-1914, États-Unis).
Winsor McCay nous emmène au pays des rêves. De planche en planche, il découvre de nouvelles mises en page toujours plus imaginatives pour permettre à Nemo d'explorer Slumberland et son décor Art nouveau.

The Kin-der-Kids de Lyonel Feininger (1906-1907, États-Unis).
Lyonel Feininger n'a consacré que deux ou trois ans à la bande dessinée avant de se tourner vers la peinture, domaine dans lequel il devint célèbre. Son graphisme anguleux et stylisé est cependant suffisamment marquant pour influencer des auteurs encore aujourd'hui, Frank Miller par exemple.


Années 1910.

Krazy Kat de George Herriman (1913-1944, États-Unis).
On n'a probablement jamais fait plus poétique en bande dessinée depuis. Des paysages qui changent sans arrêt, un extraordinaire sens de la composition de la page, un sabir mêlant anglais phonétique, espagnol et français, une liberté sans pareil pour raconter inlassablement la même histoire d'Ignatz lançant une brique à Krazy Kat avant de se faire arrêter par Offisa Pupp. Lu en son temps par Gertrude Stein ou Pablo Picasso...

Bringing up father de George McManus (1913-1954, États-Unis).
Si vous vous demandiez quelle est l'origine de la ligne claire, ne cherchez plus. L'élégance du trait de McManus plaisait beaucoup à Hergé et est, de très loin, la plus grande influence de Joost Swarte.


Années 1920.

Polly and her pals de Cliff Sterret (1922-1930, États-Unis).
Un soap opéra familial dans des décors art déco. Un dessin avec beaucoup de classe et un humour sophistiqué.


Années 1930.

Popeye d'Elzie Crisler Segar (1930-1938, États-Unis).
Popeye est l'ancêtre des super héros. Simple d'esprit mais le cœur sur la main et quasiment invincible, il vit des aventures fantastiques au milieu de personnages loufoques. Beaucoup de tendresse et énormément d'humour.

Tintin de Hergé, du Lotus Bleu aux Picaros (1936-1976, Belgique).
Que dire sur Hergé et Tintin ? En fonction de son humeur on pourra préférer les courses poursuites échevelées des premiers albums (L'Oreille Cassée, L'Île Noire, etc.), le classicisme des grands diptyques (Rackam le Rouge, Le Temple du soleil et la lune) ou les expérimentations d'un créateur au sommet de son art et qui joue avec son univers (à partir de Coke en stock, pour une riche anti-trilogie).

Prince Valiant de Hal Foster (1937-1970, États-Unis).
Un dessin très classique mais superbe. Une grande épopée romanesque dans un décor mêlant allégrement la chute de l'empire romain au Moyen-Âge chevaleresque de Chrétien de Troyes.

Terry and the pirates de Milton Caniff (1937-1942, États-Unis).
La quintessence du feuilleton romanesque : aventure, exotisme, humour et romance ; des héros sans peur et sans reproche, des femmes fatales, de redoutables bandits et des faire-valoir amusants. Le tout servi par un dessin sans égal en termes de maîtrise du noir et blanc et de la composition cases.

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