Que représente Chris Ware pour le lecteur francophone ? Il est l'auteur d'un magnifique pavé, Jimmy Corrigan, paru en 2002 et justement récompensé par l'Alph'Art du meilleur album en 2003, puis de deux autres ouvrages, plus expérimentaux, compilations de planches et de récits variés, Quimby the Mouse en 2004 et Acme en 2007. Bref Chris Ware pourrait apparaître comme l'auteur d'un unique chef-d’œuvre et de quelques essais expérimentaux.
Oui mais voilà, Jimmy Corrigan a été publié aux États-Unis en fascicules (les volumes successifs de l' Acme Novelty Livrary) entre 1993 et 2000 et en recueil en 2000. Cela fait donc maintenant 12 ans. Et, depuis, Chris Ware n'a pas arrêté de travailler. Bien au contraire, il a continué à progresser et à évoluer. Ses mises en page, toujours très travaillées, atteignent de plus en plus souvent une beauté très classique (on en voit de merveilleux exemples dans l' Acme Novelty Livrary 18 1/2, compilation de planches initialement publiées dans le New Yorker). Ses couleurs, de plus en plus recherchées, se rapprochent de la finesse de celles du studio Hergé dans les derniers albums de Tintin et confèrent un charme supplémentaire à ses dessins. De manière générale, il dose ses effets de façon plus parcimonieuse : il nous offre moins de démonstrations de virtuosité et son talent se fait plus subtil, les fausses publicités et textes parallèles sont moins envahissants.
Les lecteurs anglophones ont ainsi pu découvrir la continuation de son œuvre dans les volumes 16 à 20 de l' Acme Novelty Livrary (avec trois épisodes de Rusty Brown, deux épisodes des Building Stories et enfin le superbe Lint en 2010).
Chris Ware est l'un des 3 ou 4 auteurs de bande dessinée les plus importants des 20 dernières années et la majeure partie de son œuvre reste encore largement inconnue du public francophone. Quand donc un éditeur osera publier les différents volumes de l' Acme Novelty Livrary qui, bien plus que de simples "épisodes" d'un ouvrage plus important, sont, chacun, un album majeur de première importance ?
En particulier Lint est un chef d'oeuvre absolu... Comment comprendre qu'il ne soit pas traduit? A part l'énorme travail de lettrage réclamé pour être cohérent avec l'édition originale.
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