Fred, créateur de Philémon, du Petit Cirque, du Corbac aux baskets, de Timoléon (qui voyage dans le temps pour de l'argent, avec des dessins d'Alexis), du Manu Manu, de tout l'univers des lettres de l'océan Atlantique et de bien d'autres fantastiques inventions, grand prix de la ville d'Angoulême (en 1983), est mort hier, 2 avril, à 82 ans.
Il venait de publier son ultime album, qui bouclait les aventures de Philémon, Le Train où vont les choses.
D'abord plutôt spécialisé dans le dessin de presse, il cofonda Hara Kiri en 1960. En 1966, suite à une interdiction de publication de Hara Kiri, il proposa les 15 premières planches de Philémon (Le Mystère de la clairière aux trois hiboux) au journal de Spirou, qui refusa, puis à Pilote, ou René Goscinny, avec son flair habituel, accepta en un quart d'heure. Son style déstabilisait de nombreux lecteurs, que ce soit par le caractère joyeusement absurde de ses histoires ou, surtout, à cause de son dessin inhabituel. Il écrivit alors de nombreux scénarios pour d'autres dessinateurs, dont Alexis, pour la superbe série Timoléon, récit de deux escrocs qui cherchent à s'enrichir grâce au voyage dans le temps. Cependant la série Philémon finit par s'imposer, au long des voyages dans les différentes lettres de l'océan Atlantique, jusqu'en 1987. Après quelques années éloignées de la bande dessinée (cinéma, télévision, chanson...), il publia quelques autres chefs-d’œuvre, L'Histoire du corbac aux baskets (Alph'Art du meilleur album à Angoulême en 1994), une adaptation du Journal de Jules Renard, L'Histoire du conteur électrique, jusqu'au retour final de Philémon cette année...
Fred était l'un des plus grands poètes de la bande dessinée. Ses histoires reposaient sur une logique de l'absurde délicate et magique. Il fut également un infatigable découvreur de formes, renouvelant sans cesse l'usage des codes de la bande dessinée, manipulant les cases, notamment, sans guère d'équivalent depuis Winsor McCay (dans Little Nemo).
Fred a maintenant rejoint Timoléon, égaré dans les méandres du temps, et Philémon, perdu dans les vagues de l'océan Atlantique dans les dernières planches du Train où vont les choses. Son œuvre reste. Merci, Monsieur Fred et bon vent.