Bertrand Tavernier n'est sans doute pas un artiste génial et ses films ne révolutionnent probablement pas le 9e Art. Il n'en demeure pas moins un excellent artisan qui, à l'image des grands réalisateurs de l'âge d'or d'Hollywood qu'il affectionne, tourne de très bons films avec beaucoup de métier. Scénario et dialogues, choix et direction d'acteurs, Photographie, musique, tout est travaillé et agencé avec un grand professionnalisme et beaucoup de goût. De la chronique sociale (L627, Ça commence aujourd'hui) au polar poisseux du Sud des États-Unis (Dans la brume électrique), de la comédie historique (La Fille de d'Artagnan) au polar contemporain (L’Horloger de Saint Paul), tous les genres sont traités avec le même talent.
Adapter un roman ou une nouvelle de Mme de Lafayette au cinéma n'est pas forcément facile. Les sentiments évoluent au cours du récit, sont souvent ambigus, toujours subtils ; en outre les conceptions de l'amour et de l'honneur en vigueur à l'époque sont parfois très éloignées des conceptions actuelles. Si Manoel de Oliveira était parvenu, dans La Lettre, à offrir une magnifique mise à jour contemporaine de La Princesse de Clèves, Christophe Honoré s'était cassé les dents sur ce roman dans La Belle Personne. Bertrand Tavernier s'est attaqué à un texte moins célèbre de Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier. Cette nouvelle relate les amours compliquées de Marie de Mézières avec quatre jeunes hommes de grande qualité et très différents, le duc d'Anjou, frère du roi Charles IX, futur roi de Pologne et de France, le duc de Guise, chef du parti catholique, le prince de Montpensier, qu'elle a épousé, et le comte de Chabannes, savant précepteur de son mari puis d'elle. Ces quatre hommes représentent quatre versants différents de la masculinité ; très différents les uns des autres, ils offrent à Marie des charmes réels et divers. Une des principales forces du film de Bertrand Tavernier réside dans le choix des acteurs. Lambert Wilson est parfait dans le rôle du savant et réfléchi comte de Chabannes ; les quatre jeunes acteurs choisis pour jouer les rôles de Marie et de ses trois autres prétendants ont été très judicieusement sélectionnés. Ils permettent de personnifier, au sens premier du terme, le conflit entre les différents idéaux masculins qui se disputent le cœur de Marie et les conflits moraux déchirant tous ces personnages en ces temps historiques particulièrement troublés.
Les autres éléments du film mettent très bien en valeur ces deux éléments clés que sont l'intrigue initiale fournie par la nouvelle de Mme de Lafayette et le jeu des acteurs : reconstitution historique soignée, dialogues ciselés, costumes et décors travaillés, photographie esthétique, musique agréable et efficace, etc.
Tout cela fait de La Princesse de Montpensier un excellent film, passionnant sur le plan romanesque, très intéressant d'un point de vue historique.
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