Je lisais parfois le magazine de Spirou dans les années 1980 (décennie qui compte probablement, soit dit en passant, parmi les plus riches de son existence). J'y ai donc lu quelques récits de Sibylline de l'époque. Je dois avouer que je n'avais guère apprécié, comme la majorité des lecteurs de l'hebdomadaire d'ailleurs : les soi-disant héros de la série, Sibylline et Taboum, n'apparaissaient que très sporadiquement (voire pas du tout dans certaines histoires) et de façon tout à fait marginale ; les péripétie relevaient d'un fantastique très inhabituel ; bref, le jeune lecteur que j'étais ne retrouvait pas du tout ses marques dans cette Sibylline qui n'avait plus grand-chose à voir avec la gentille série animalière qu'elle avait été.
Je fus donc intrigué, bien des année plus tard, à la lecture d'articles (de David Turgeon pour la plupart), dans du9 et dans Bananas qui vantait les histoires de Sibylline des années 1980, regroupées sous le titre global de Grand Récit Fantastique, comme d'une grande aventure absolument hors norme. Mais, dans la mesure où la majeure partie de ces quelques 450 pages de bande dessinée n'avaient jamais été éditées en album par Dupuis, elles étaient inaccessibles depuis longtemps. Je n'avais donc pas pu me rendre compte par moi-même de leur intérêt.
La réédition de l'intégrale de Sibylline par les éditions Casterman permet maintenant de découvrir enfin l'ensemble de ces récits dans l'ordre chronologique.
Je me suis donc plongé dans les quelques 200 pages de bande dessinée du quatrième volume de l'intégrale avec une grande curiosité. Ce volume couvre les années 1982 à 1985 et ces pages sont majoritairement inédites en album. Nous sommes bien loin de la Sibylline des débuts. Les récits se déroulent dans des paysages inquiétants, loin du monde des hommes, très souvent de nuit. Les personnages positifs, tels que Sibylline et Taboum, sont presque absents. Nous découvrons donc au fil des pages des carnivores sanguinaires (Croque Monsieur en tête), des ahuris (le journaliste Patakès) et, surtout, de nombreux personnages maléfiques qui s'opposent et cherchent à imposer leurs vues et leurs ambitions à coup de magie noire : sorcière, magicien, monstres divers, fleur aquatique magique, etc. La galerie de personnages est d'une grande richesse. Les rebondissements se succèdent rapidement, sans aucun souci de rationalité. De tout cela se dégage une grande poésie, très bien mise en valeur par le trait simple (Macherot a toujours été un adepte du dessin efficace et limité à l'essentiel, mais à la fin de sa carrière, il avait encore simplifié son style) et efficace : les personnages sont typés et expressifs, les paysages participent pleinement à l'ambiance des histoires. Une lecture qui nous emmène loin, très loin de notre quotidien, dans un monde original et attachant, malgré toutes les vilenies qui y prennent place...
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